Archives de catégorie : TENSIONS

Se protéger de l’agressivité

Comprendre pourquoi l’agressivité de l’autre me touche tant

 

Dev-Hum-Couverture1Pendant une formation professionnelle, Audrey (prénom modifié) nous racontait qu’elle a eu des relations très difficiles avec un responsable hiérarchique. Elle était consciente que celui-ci la manipulait, lui parlait de façon blessante. Cette attitude agressive lui faisait perdre tous ses moyens. Elle accusait son chef de la détruire.

Pour tenter de régler ce problème, Audrey a suivi une formation sur le stress. A la suite d’un jeu de rôle, le formateur lui dit en aparté : « Il me semble que vous n’allez pas bien. » Et Audrey de répondre : « Mais si je vais bien ! ». Pourtant cette parole du formateur l’a « travaillée » douloureusement, lui permettant de mettre le doigt sur ses blocages et sur son mal-être qu’elle essayait de se cacher à elle-même. Elle a donc entrepris un travail sur elle-même.

Et Audrey raconte aujourd’hui : « Ce travail m’a permis de me libérer de mes blocages. Par exemple, ce chef dont je pensais qu’il me détruisait, j’ai pris conscience un jour que la manière dont il s’adressait à moi me rappelait ma mère ! Et cela a réveillé une relation douloureuse avec ma mère, pas encore soignée 30 ans après ! J’ai été accompagnée pour faire émerger et pour traiter cette blessure ancienne qui était bien enfouie. »

Et Audrey continue : « Aujourd’hui, j’ai toujours le même chef, il s’adresse toujours à moi de la même manière, mais cela ne me touche plus. Son mode relationnel ne parle que de lui, et depuis que ma blessure enfouie est soignée, elle ne se réveille plus : je peux donc faire face sereinement à mon chef. Mes collègues me demandent même comment je fais pour rester calme devant lui. »

Pour se préserver de l’agressivité ou de la violence de l’autre, sans s’écraser et sans renvoyer notre propre violence, il faut d’abord commencer à comprendre pourquoi l’agressivité de cet autre nous touche tant et nous laisse sans protection : la plupart du temps, cela ne parle que de nous et de blessures enfouies qui se réveillent. C’est ce que j’appelle les « mines antipersonnel » qui sommeillent en nous. Au lieu de se faire encore plus de mal en ruminant et en dénonçant l’autre, il est plus efficace de faire émerger ce que cet évènement réveille de notre propre histoire et de traiter cette blessure enfouie. La plupart du temps, cela suffira à savoir ensuite se protéger de l’agressivité.

Il reste encore une deuxième étape : savoir comment dire non, fermement et sans violence, aux paroles agressives et aux attitudes manipulatrices. Comment faites-vous, Audrey ? Comment faites-vous, amis lecteurs ?

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
juin 2011


Réagir à l’agressivité

 

 Avez-vous dans votre entourage une personne que vous connaissez bien et avec qui les relations sont souvent tendues ou conflictuelles ? Imaginez qu’elle arrive vers vous et vous dise sur un ton agressif : « Tu es la personne la plus égoïste que j’ai jamais rencontrée ! » Qu’allez-vous lui répondre spontanément ?

« Tu ne t’es pas regardée ! Je suis moins égoïste que toi ! » Sur le même ton qu’elle, vous l’agressez vous aussi dans l’escalade des accusations, des jugements et de la violence.

« Ah non, ce n’est pas vrai… avec tout ce que j’ai fait pour toi ! » Vous vous justifiez, et vous prenez le risque qu’elle en rajoute ! Auriez-vous besoin de vous justifier et d’avoir raison ?

« Oh ! Qu’est-ce que j’ai fait ? » Vous culpabilisez parce qu’elle vous accuse… Et pourtant, elle ne vous a pas encore dit sur quoi repose son jugement. Ce sentiment de culpabilité parlerait-il de vous ?

« Si tu le dis… tu peux penser ce que tu veux ! » Vous ne voulez pas perdre d’énergie à vous défendre dans une ambiance d’agression. Son jugement lui appartient. Vous choisissez de ne pas mettre d’huile sur le feu. Peut-être accepterez-vous d’en reparler si l’agressivité tombe.

Aucune de ces réponses ne résout le problème, et la relation restera tendue ou blessée. Pour avoir des chances d’avancer, il reste la piste de la justice en pays démocratique : le jugement ne vient qu’à la fin, quand on a établi les faits et mesuré le degré de responsabilité de l’auteur. Celui qui commence par me juger met les choses à l’envers, de façon dictatoriale ou terroriste, sans avoir établi les faits.

Je peux donc lui demander de remettre les choses à l’endroit : « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? » Autrement dit : « Quels sont les faits sur lesquels tu t’appuies pour porter ce jugement ? »

Si cette personne savait parler le langage de la Communication Non Violente, elle pourrait vous répondre : « Quand tu es passé dans la rue, l’autre jour, tu ne m’as pas regardé (fait). J’ai pensé que tu ne voulais pas me voir (interprétation). Ca m’a fait mal (ressenti), car j’avais besoin d’être reconnu (besoin). » S’il parle ainsi de la manière dont il a vécu la situation, je peux l’entendre, puis lui dire comment j’ai vécu la situation : « Je regardais les magasins, je ne t’ai pas vu ! Pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? »

Quand l’agresseur vous traite d’égoïste, vous pensez qu’il parle de vous. En fait, il ne parle pas du tout de vous : son agression ne parle que de lui ! Elle signifie : « J’attendais quelque chose de toi, je ne l’ai pas reçu, j’ai eu mal, car j’ai besoin d’être valorisé. » Comme il ne sait pas dire cela, il projette sur vous sa douleur et la transforme en accusation et en jugement.

Si vous avez compris cela, vous allez vous sentir protégé des agressions… Vous contribuerez ainsi à éliminer les accusations et les jugements. Et vous apprendrez aussi que votre propre agressivité contre les autres… ne parle que de vous !

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
novembre 2012

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Chercher derrière nos jugements…

Couverture2Dans une formation, Catherine raconte une situation de communication difficile : sa fille vient voir des membres da sa famille élargie ; Catherine habite juste à côté, mais sa fille ne s’arrête jamais chez sa mère. Et Catherine ajoute: « Ma fille m’ignore ! » Cette phrase est une interprétation, voire un jugement de la conduite de sa fille, mais c’est la seule manière que Catherine a trouvé pour exprimer sa souffrance. Comme toujours dans un conflit, on parle de l’autre, souvent en l’accusant. Que de jugements et de reproches empestent les relations quotidiennes !

J’invite donc Catherine à parler d’elle plutôt que de parler de sa fille. Je lui demande : « Quand vous pensez à votre fille, de quoi auriez-vous besoin ? »  « Qu’on se reparle enfin après tant d’années lourdes de tensions et de conflits… Que je puisse lui dire que malgré tout cela je suis sa mère et que je l’aime… Que je puisse la serrer dans mes bras et lui proposer de renouer une relation apaisée… » Derrière le jugement de Catherine, il y a avait donc la souffrance d’une mère blessée et un besoin légitime d’exprimer son amour et d’entreprendre un chemin vers sa fille. « Ma fille m’ignore » voulait dire : « J’ai besoin de retrouver ma fille, malgré tout ce qui s’est passé. »

Puisque ce besoin est exprimé, reconnu et valorisé, je peux poursuivre avec Catherine : « Êtes-vous sûre que votre fille vous ignore ? Peut-être ne sait-elle pas comment vous aborder après tant d’années ? Peut-être imagine-t-elle que vous allez lui faire des reproches ? Peut-être a-t-elle peur… Il n’y a qu’elle qui sait pourquoi elle ne vient pas frapper à votre porte ! »

Catherine est bouleversée. Elle évoque discrètement les souffrances passées et découvre que son jugement sur sa fille n’était que l’expression maladroite de sa propre souffrance. Et que peut-être sa fille est elle-même dans la souffrance…

Deux jours après, Catherine me remercie par mail, elle évoque un peu plus les raisons de sa souffrance. Elle peut enfin exprimer et regarder en face cette souffrance, elle commence à en sortir : « J’ai commencé à entrevoir la façon de réagir positivement (…). Je vais essayer de renouer le dialogue avec ma fille, tout doucement, et je sais comment l’amorcer ! »

Quand tu souffres, arrête d’accuser l’autre ! Quand quelqu’un dit sa souffrance, arrête de vouloir le rassurer ou trouver des solutions à sa place. Quand tu souffres, tu as besoin d’une oreille accueillante pour pouvoir exprimer tes ressentis et tes besoins. Ensuite, sans jugement sur toi ni sur les autres,  tu pourras repartir vers ceux avec qui tu étais en difficulté, et tu pourras les laisser expliquer eux-mêmes les raisons de leur conduite, toujours différentes de ce que tu imaginais !

Marc THOMAS – Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
mars 2012

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Opportunité du conflit

Couverture2Sur un parking de supermarché, à St Denis de la Réunion, je repère une place ombragée, un peu étroite car le 4×4 voisin a empiété sur la place que je convoite. Je me gare, ma voiture ne gêne pas le conducteur du 4×4, mais son regard est menaçant…

Lui : « Vous ne pouvez pas vous garez ailleurs »
Moi : « c’est la seule place à l’ombre, et je ne gêne pas l’ouverture de vos portes »
Lui : « Mais la place est trop petite pour vous garer »
Moi : « Pas trop petite, mais étroite car votre véhicule est garé sur deux places de stationnement »

Lui  (peau noire d’un cafre réunionnais) : « Vous n’êtes pas chez vous ici ! »
Lentement, je sors alors de ma voiture, je m’approche de lui…
Moi  (blond aux yeux bleus métro-zoreil !) : « Pour moi, tous les êtres humains sont chez eux sur cette terre. Si vous arriviez dans ma région d’origine, je vous dirais : Bienvenue, vous êtes chez vous ».

Lui  (surpris) : « Et vous êtes d’où ? »     Moi : « De Lorraine. »
Lui : « Et moi je suis de Vendée… J’y repars ce soir.»
Moi (surpris à mon tour !) : « Ah bon, et où en Vendée ? »
Lui : « à… (je ne nomme pas la ville ici par discrétion) »

Moi : « vous êtes là-bas depuis longtemps ? »
Lui  « Ca fait 10 ans que je travaille là-bas.. »
Moi : « J’imagine qu’en Vendée, vous vous êtes senti discriminé parfois… Certains ont dû vous faire comprendre que vous n’étiez pas chez vous là bas… »
Lui : « Oui, ça c’est vrai ! »
Moi : « Tout homme est chez lui, n’importe où sur la terre. A condition qu’il n’arrive pas en conquérant ! »

Lui : « Mais vous faites quoi ici ? »
Moi : « Je suis venu travailler avec des réunionnais sur les relations humaines et la gestion de conflits. »
Lui : (grand sourire) « Moi aussi j’ai fait une formation à la gestion de conflit pour le boulot car je suis passé chef d’équipe. »

Moi : « Alors vous et moi, nous savons que c’est en se parlant qu’on règle les conflits ».
Lui : « C’est vrai ! Mais ce n’est pas toujours facile. »

Moi : « Allez, bon retour en Vendée ! Saluez les vendéens pour moi : c’est le pays où j’allais en vacances quand j’étais petit ! »

Lui et moi, nous nous serrons la main avec un grand sourire !

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
février 2012

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Faire face à la violence

Couverture2C’était il y a quelques années, dans une administration, au bureau d’accueil du public. Un homme très grand et très fort, agacé par l’attente – et probablement par ses propres soucis et sa difficulté à canaliser ses pulsions – s’approche violemment du bureau d’accueil, commence à soulever ce bureau en insultant le professionnel qui était derrière.

Une jeune femme du même service voit son collègue en difficulté. Elle est physiquement sans défense, petite et fluette devant cet homme « armoire à glace » ; elle ne fait pas le poids et risque de se faire violenter. Elle-même raconte : « Je ne sais pas ce qui m’a pris, je me suis approchée, je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit : « Ça suffit ! » Il m’a regardée du haut de ses 2 mètres, j’ai cru qu’il allait m’écrabouiller. Mais il a lâché la table, il a reculé et il m’a dit : « Excusez-moi ! »

Vu la différence physique, cette professionnelle ne pouvait pas répondre à la violence par la violence. Elle a pris le risque d’y répondre par la seule force qui peut désarmer : cette force qui vient vers le violent plutôt que de le fuir et qui restaure une parole là où seules les pulsions s’expriment.

Bien sûr, cette professionnelle a pris un risque que tout le monde ne peut pas prendre. Mais pourquoi son intervention a-t-elle désamorcé la violence plutôt que de l’attiser ? Pour deux raisons : d’abord cette parole : « Ça suffit » : une parole simple mais fondamentale, qui ne juge pas, qui ne menace pas. Simplement cette parole rappelle la règle, celle qui s’impose à tous pour le bien de tous, elle remet de la règle (et donc de l’humain) au cœur de la pulsion sauvage et destructrice. Une amie psychanalyste m’écrit : « Cette parole qui rappelle la règle est d’abord une parole qui « arrête ». C’est pour ça qu’elle est efficace, c’est parce qu’elle arrête le débordement de jouissance (dans la violence). L’outil de cet arrêt est le rappel de la règle, mais ce qui fonde cet arrêt, c’est la position interne de la personne. » (Béatrice GUITARD).

La deuxième raison qui a permis de désamorcer la violence est donc bien la posture de la personne. Cette femme est petite et fragile devant la force physique du violent, mais très probablement bien enracinée en elle-même ; la règle qu’elle rappelle n’est pas un ordre extérieur à elle qu’elle ferait appliquer par devoir : s’il en était ainsi, elle se serait sauvée, dépassée par la violence de l’autre, et ensuite elle se serait lamentée, elle aurait dénoncé les violents, la société… Mais elle est là face à l’homme violent, et elle rappelle une règle intériorisée. Elle disait qu’elle ne savait pas ce qui lui a pris pour oser aller à la rencontre du violent : ce qui lui a pris, c’est d’agir en plein accord avec le fond de son être qui refuse toute violence, sans jugement du violent. Tout son être se pose devant cet homme, sans aucune violence, mais avec une force d’être, de conviction et de parole. Tout sont être dit « ça suffit ».

Cette parole « congruente », c’est-à-dire accordée à tout l’être de la personne qui la prononce, est la seule force que les violents peuvent entendre ! C’est la seule force non violente qui peut venir à bout de la violence.

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
Septembre 2011

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Pourquoi ?

Couverture2Une simple injure, probablement raciste, a suffit à déclencher un « coup de boule »  violent de Zidane sur un autre footballeur. A 10 mn de la fin de son dernier match international, en finale de la Coupe du Monde, au lieu d’être fêté par toute une foule, il quittait le stade exclu, la tête basse…. Pourquoi ?

Une pulsion sexuelle (si les faits étaient avérés) ou une manipulation perverse fait basculer un grand de ce monde accusé de crime. Il se retrouve menotté à la face du monde, plutôt que candidat à l’élection présidentielle… Pourquoi ?

Des stigmatisations ou des mal-être identitaires entraînent jusqu’au terrorisme. Chez nous, un lycéen poignarde son professeur ou l’un de ses camarades plutôt que de se découvrir capable de construire son identité autant que son avenir… Pourquoi ?

Un désir de puissance inassouvi conduit au harcèlement à l’école ou dans l’entreprise, ou à une conduite criminelle en voiture … Pourquoi ?

Des critères de rentabilité conduisent à faire pression sur des salariés jusqu’au suicide, ou à faire passer au second plan, parfois, la qualité des soins à l’hôpital… Pourquoi ?

 Le chacun-pour-soi nourri par une société de compétition suscite des conduites d’écrasements de l’autre pour être le premier à tout prix, et tant de violence dans des relations humaines. Chacun cherche à avoir raison sur l’autre, parfois à instrumentaliser ou à posséder l’autre… Pourquoi ?

Pourquoi ? Parce que nos instincts et nos pulsions demeurent toujours en nous à l’état sauvage, surtout si nous n’avons pas eu l’occasion d’apprendre que nous pouvons les canaliser. Parce que les frustrations peuvent nous rendre humains quand elles déclenchent notre motivation à rechercher ce qui nous manque ; mais elles peuvent aussi nous rendre inhumains quand elles se transforment en agression pour avoir tout, tout de suite et à tout prix. Parce que même quand tout nous sourit, nous ne sommes pas à l’abri d’une erreur ou d’une manipulation.

La mise en œuvre de deux conditions doit permettre de choisir d’humaniser nos pulsions et nos frustrations :

  • partout où nous vivons, choisir de restaurer le primat de la solidarité sur le chacun pour soi ;
  • faire de l’apprentissage des compétences relationnelles une matière fondamentale dans l’éducation : apprendre que les relations sont plus productives quand elles sont sereines est aujourd’hui aussi important que d’apprendre l’informatique.

C’est urgent !    C’est possible…                                                            

Marc THOMAS, Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
mai 2011

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Ambivalence

Couverture2Ces dernières semaines, j’ai été touché par les combats menés par les peuples arabes assoiffés de démocratie. Les mots qui me sont venus sont : convictions, solidarités, énergie d’un combat pour la liberté.

Ces dernières semaines, je me suis senti agressé chez nous, en ville, et spécialement à Paris où j’ai beaucoup circulé : chacun pour soi, forçant le passage pour avoir à tout prix priorité sur l’autre, stationnement n’importe où parce que ça m’arrange, même si ça crée un bouchon ; indifférence et laxisme de tel ou tel service de distribution, récrimination contre la société pourrie au moindre souci…

Bien sûr, pas question de caricaturer : dans les pays qui luttent pour la démocratie, il y a aussi des dérives guidées par des intérêts personnels ; et chez nous, il y a aussi des sourires, des personnes qui accueillent et construisent la fraternité.

Nous sommes des êtres ambivalents : la même main peut caresser ou frapper ; le même cœur peut aimer ou haïr ; la même frustration peut devenir motivation ou agression ; les mêmes français peuvent s’émerveiller du courage des tunisiens dans leur révolution pacifique et aussitôt se cabrer quand ces tunisiens cherchent à entrer dans nos frontières…

Entre les deux options de notre ambivalence, il n’y a jamais un long fleuve tranquille, mais une ligne de crête où l’équilibre est toujours instable.

Pour rester sur le versant ensoleillé et constructif de cette ligne de crête, les peuples arabes en quête de liberté nous ont donné les seules recettes efficaces : se serrer les coudes, et prendre des risques pour défendre nos valeurs.

Il est sûr que ces recettes, qui sont la survie des peuples en recherche de liberté, sont plus difficiles à mettre en œuvre dans nos sociétés démocratiques qui nous garantissent depuis longtemps la liberté et l’assurance tout-risque !

Puissions-nous profiter des restrictions engendrées par la crise pour abandonner nos comportements d’enfants gâtés et pour retrouver l’audace et la fraternité !

Marc THOMAS, Consultant-Formateurs en « Compétences relationnelles »
Avril 2011

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Mal-être au travail

Couverture2Des suicides répétés dans une grande entreprise française remettent sous les feux des projecteurs le stress et le mal-être au travail.

Je ne connais pas de l’intérieur France Telecom, mais je connais un peu plus d’autres contextes professionnels.

Dans le monde hospitalier par exemple, je décèle des contradictions croissantes qui génèrent des tensions parfois insupportables : contradiction entre une nécessaire gestion économique (qui exige des restrictions pour sauvegarder notre système de protection sociale) et une aussi nécessaire gestion de la qualité des soins (qui exige d’accroître les moyens humains et matériels). Des cadres et des personnels hospitaliers sont écartelés dans cette contradiction.

Une personne qui travaille dans une structure d’accompagnement vers l’emploi m’écrit ces jours-ci : « (Après les restructurations), les conditions de travail se sont encore plus dégradées que par le passé,… moi qui croyais que nous avions déjà touché le fond… »

Bien souvent ces contradictions qui écartèlent sont inévitables. Mais elles ne sont pas les premières causes de mal-être. À France Telecom, c’est la pression d’un management inhumain qui est pointée.

Il ne sert à rien d’envoyer des salariés en formation pour apprendre à gérer leur stress si on ne fait pas baisser les générateurs institutionnels de stress, et si on ne restaure pas d’abord dans l’entreprise des instances de communication et de débat respectueuses des personnes, mais aussi de la démocratie.

Dans les établissements de soins, les équipes où le management favorise la communication et le dialogue voient diminuer de 30% le nombre de congés maladie.

Marc THOMAS, Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
octobre 2009

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Des stratégies pour gérer les conflits

A la demande de l’université de Sherbrooke, au Canada, Marc THOMAS a écrit un article intitulé : « Choisir les stratégies adaptées pour gérer les conflits », publié dans la Revue de Prévention et de Règlement des Différences de la Faculté de Droit de l’Université de Sherbrooke à l’automne 2005.

La table des matières de cet article est la suivante:

  1. Le Conflit : Risque et opportunité
  2. Détermination et adaptabilité sont constitutifs de l’être humain
  3. Des positionnements et stratégies spontanés en situations difficiles
  4. Des positionnements et stratégies travaillés en situations difficiles
  5. Antipathie, « sympathie », apathie, empathie
  6. Transformer la violence en conflit
  7. Passer de la violence au conflit
    Conclusion
    Bibliographie

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La violence a ses raisons que la raison ne connaît pas

Couverture2Dénoncer la violence ? Réprimer les violents ?
Si cela suffisait, ça se saurait !
Et si les contextes éducatifs étaient aussi générateurs de violence…

La violence des jeunes : un préjugé

Violence, jeunes, banlieues, collèges, lycées… Ces mots sont souvent associés dans le vocabulaire courant, et par des généralisations hâtives : « les jeunes » (quels jeunes ? tous ?) seraient violents… Les collèges ou lycées seraient ingérables… Les quartiers sensibles seraient des coupe-gorge… Sur de telles associations gratuites ou généralisations stéréotypées se construisent les peurs, les appels au sécuritaire et à la répression, les prises de pouvoir rigides… et les contre-pouvoirs violents qu’elles engendrent.

Qu’est-ce qui pousse des jeunes, dans certains contextes, à faire violence aux autres, et à eux-mêmes ?

La violence n’est pas l’apanage des seuls jeunes : la violence routière, les conflits de voisinage, les exactions de toutes sortes, les détournements de fonds ou trafics d’influences, les conflits locaux ou internationaux… sont le fait des générations qui les précèdent. Les médias en rendent compte à longueur de journée.

Il n’y a pas de violence gratuite

Dans leur entourage immédiat, certains jeunes n’ont connu que des adultes violents, verbalement ou physiquement. Ils n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre que les légitimes tensions et conflits peuvent se régler autrement que par la violence. Sans les excuser, il suffit de leur permettre d’apprendre qu’il existe des lieux et des relations où il n’est pas utile de crier pour être écouté, ni de frapper pour demander. La véritable prévention est accompagnement dans l’apprentissage d’un style de relations humaines qu’ils ne connaissent pas.

La violence de certains jeunes est liée au passage de l’adolescence. Cette période est marquée par des tensions intérieures violentes. Personne ne passe de l’enfance à l’age adulte sans s’essayer à la transgression. La véritable prévention est ici accompagnement à l’apprentissage de l’autonomie : cette autonomie qui permet d’apprendre à faire ses propres choix, à tirer leçon de l’échec ou de l’erreur, et à choisir de respecter par soi-même les lois de la vie en société.

On entend dire souvent que les parents démissionnent. C’est faux : on ne démissionne que de responsabilités déjà assumées. Or ces parents, souvent eux-mêmes marqués par l’instabilité, la précarité ou l’échec, se trouvent totalement démunis devant des bouleversements qu’ils ne comprennent pas et devant leurs enfants qu’ils ne reconnaissent plus : comment pourraient-ils y faire face ? Ils ne peuvent réagir autrement que par l’impuissance absolue ou par la violence destructrice.

La « constellation » des instances éducatives

Dans son éducation elle-même, un jeune se trouve au centre d’une « constellation » de lieux et d’instances éducatives : à la maison, ses parents ; à l’école, ses professeurs ; dans le quartier, la bande et les divers services et travailleurs sociaux. Sans compter les pouvoirs publics… Chaque lieu ou chaque instance a sa propre « culture » : ses propres valeurs, ses règles, ses codes, ses contraintes, ses projets… Au centre de cette constellation, le jeune est soumis à toutes ces influences. On entend dire souvent que les jeunes n’ont plus de repères. Ils en ont trop au contraire, et comment s’y retrouveraient-ils dans ce foisonnement de repères imposés et souvent contradictoires ?

A la maison, des parents crient tout le temps, imposent des règles indiscutables ou laissent faire… A l’école, l’équipe éducative demande d’autres règles de communication et de respect, elle évalue la réussite ou l’échec de chacun, elle veut développer l’autonomie et l’initiative… Dans le quartier, les travailleurs sociaux cherchent à rejoindre les jeunes tels qu’ils sont et à accompagner leurs débordements… Dans la rue, le plus fort est le chef, et toute rupture de la solidarité de la bande entraîne l’exclusion violente…

Des jeunes victimes de l’incohérence des adultes

Ce ne sont là que quelques exemples, loin d’être exhaustifs. Mais il faut reconnaître que les exigences des uns ne sont pas toujours cohérentes avec celles des autres.

De plus, ces diverses instances éducatives, qui s’adressent aux mêmes jeunes, sont souvent dans l’ignorance l’une de l’autre. Peu de travailleurs sociaux et d’enseignants se connaissent et se concertent. Le dialogue parents-enseignants est souvent difficile. Les tensions de la rue résonnent parfois jusque dans l’école, et les adultes n’ont pas les éléments nécessaires pour les décoder.

Enfin, beaucoup de ces instances éducatives appuient leurs interventions sur leurs propres conceptions. Il faudrait nuancer cette affirmation, car bien des adultes cherchent à se mettre positivement à la disposition de la croissance des jeunes. Mais les parents réagissent souvent comme ils ont été eux-mêmes éduqués. Les professeurs ont des contraintes de programme, de classes surchargées et de critères de réussite. Les travailleurs sociaux n’ont pas toujours les moyens suffisants et adaptés pour réaliser leurs projets. La bande assure son existence en se protégeant du danger d’autres bandes. Et la police réprime pour assurer la sécurité publique… Dans ces contextes, qui a vraiment toujours les moyens de prendre en compte le jeune tel qu’il est ? de s’interroger sur ce qui est bon pour lui, sur ses centres d’intérêt et sur ses possibilités de réussite non encore envisagées ?

Au centre de cette constellation d’autorités souvent contradictoires, le jeune, déjà fragile, est « tiraillé » en tout sens ; il risque de n’entendre que la voix du plus fort. Au milieu de tant de repères incohérents, il ne peut se construire dans l’autonomie, ni faire émerger ses choix sur des bases solides.

Quelques pistes constructives

 Ces constats sont pessimistes. Une fois encore, il faudrait les nuancer. Mais l’explosion de la violence révèle qu’ils ne sont pas totalement hors de propos. Pour ouvrir des perspectives constructives dans un tel contexte, il nous semble que quatre pistes sont à explorer et mettre en œuvre :

  • analyser la violence de certains jeunes comme la conséquence d’une violence subie : les personnes violentes sont toujours responsables de leurs actes ; par contre, elles ne sont pas responsables des contextes et des attitudes éducatives incohérentes qui les ont empêchées de se construire. Si la seule répression des actes de violence suffisait à régler les problèmes, cela se saurait ! Il s’agit d’abord de travailler sur les causes – souvent externes aux jeunes eux-mêmes – qui engendrent les conditions de développement de la violence chez les êtres les plus fragiles.
  • travailler à la cohérence des systèmes éducatifs : en améliorant la communication et la confiance entre les parents, les enseignants, les travailleurs sociaux, les pouvoirs publics… En cherchant une complémentarité dans leurs interventions et « politiques » éducatives, sans demander à chacun de faire le même « métier ». Engager de vraies concertations. Entendre et chercher à comprendre les différences de chacun, non pour les gommer, mais pour vérifier leurs complémentarités.
  • rejoindre l’intérêt du jeune pour développer sa motivation à se construire : des travailleurs sociaux s’interrogent devant le petit nombre de jeunes qui rejoignent leurs structures ; des professeurs se lamentent devant l’absence de résultats de leurs efforts pédagogiques ; des parents ne savent plus « par quel bout » prendre leurs jeunes… Et chacun à sa manière renvoie au jeune des images négatives et finalement destructrices : elles ne font que renforcer la stigmatisation d’échec… et donc le besoin d’exister autrement, souvent par la violence envers soi-même et envers les autres. Mais, par exemple, lorsqu’un professeur prend le temps de découvrir et de valoriser les intérêts du jeune, même s’ils sont extra-scolaires, il n’est pas rare qu’il voit ce jeune se re-motiver. Simplement parce qu’on s’est intéressé à lui et qu’il a pu révéler une image positive de lui-même.
  • apprendre aux jeunes la légitime diversité des codes relationnels : on ne parle pas à son père ou à son professeur comme à son copain. Les jeunes mettent une casquette dans la rue comme signe identitaire, mais s’ils se présentent ainsi devant un patron, ils risquent de manquer l’embauche espérée. Dans la rue, ils parlent fort pour se faire entendre, et parce que règne la loi du plus fort ; mais à l’école, un verbe trop haut sera perçu comme agressif, et empêchera le jeune de découvrir qu’il existe des lieux où il n’a pas besoin de crier pour se faire entendre ! Il ne s’agit pas de rêver à l’universalité de codes valables pour tous, mais d’apprendre, en même temps que l’autonomie, le sens de l’adaptation nécessaire à toute relation. Sans oublier que cette adaptation est réciproque et concerne aussi les éducateurs ! Encore faut-il, pour cela, prendre le temps de s’expliquer et de comprendre les raisons des comportements différents.

La violence est toujours subie avant d’être agie. Sans excuser les transgressions ni déresponsabiliser les personnes, l’ « éducation » (au sens premier de « conduire hors de ») consiste toujours à libérer tout être humain, même le plus violent, à le « conduire hors » des poids et déchirures qu’il subit.

Marc THOMAS, Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
Mai 2003

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