Quand j’étais au collège et que j’avais du mal à m’exprimer, mes professeurs me rappelaient la phrase du poète Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire en viennent aisément. » Autrement dit, il faudrait d’abord clarifier ses idées dans sa tête avant de les exprimer.
Ceci peut se concevoir dans une démarche philosophique ou littéraire. Mais notre éducation nous a souvent faire croire qu’il fallait aussi appliquer cette maxime à nos questionnements personnels ou à l’expression de nos ressentis. Et beaucoup d’entre nous, dans le flou de leurs questions ou dans le débordement émotionnel, ont pensé qu’il valait mieux se taire tant que les choses n’étaient pas claires dans leur tête.
Pas étonnant alors que nous nous enfermions dans nos pensées quand le moral est en berne, et que nous nourrissions les rancœurs à l’intérieur plutôt que d’exprimer nos malaises. Ainsi le silence s’installe, les tensions intérieures nous rongent… et « les mots pour le dire », non seulement ne viennent pas aisément, mais ne viennent plus du tout.
Pour nos questionnements personnels et nos émotions, je préfère remplacer cette maxime de Boileau par une autre, écrite par le grand philosophe grec Aristote :
« Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens. » Le vieil Aristote avait déjà retourné les choses dans le bon sens : nous sommes des êtres de chair et de sang. Nous avons cinq sens qui sont autant d’antennes et de canaux de communication entre notre monde intérieur et notre environnement.
Ce qui passe d’abord par nos sens, nos sensations, nos ressentis… construit notre intelligence et notre réflexion. En premier vient l’attraction ou la répulsion, une sensation de bien-être ou de malaise, un sentiment de joie, de peine ou d’inquiétude… Poser des gestes d’amour, s’émerveiller… Tout cela passe d’abord par nos sens pour rejoindre notre intelligence. Celle-ci se nourrit de nos perceptions, de nos sensations et de nos sentiments pour les comprendre et nous faire réagir avec la bonne distance…
Il en est de même pour la parole : si tu t’interroges sur toi-même, si tu es traversé d’émotions, n’attends pas de comprendre ou d’être calmé pour parler : ça ne marchera pas ! Seuls tes balbutiements et les mots qui jaillissent de tes sensations peuvent te permettre de décoder ce qui t’arrive et de clarifier tes idées. A condition que ces mots parlent de toi, et non des rancœurs vis-à-vis des autres.
Notre intelligence commence dans notre plexus solaire, lieu de nos émotions, et va jusqu’au cerveau, lieu de la réflexion. Quand le plexus et le cerveau sont disjonctés, balbutie les mots qui te viennent, pour dire ce que tu ressens, sans reproches ni violence : ils rétabliront la communication entre tes sensations et ton intelligence.
Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
janvier 2013