Sortir de la peur

Dev-Hum-Couverture1Tous, nous avons peur ! Parfois la peur nous rend service en nous alertant d’un danger. Mais le plus souvent, la peur nous freine ou nous bloque… et nous la vivons comme un handicap, parfois jusqu’à la paralysie. Pour pouvoir en sortir, il s’agit déjà d’identifier ces peurs. Elles n’ont pas toutes la même nature et ne se traiteront donc pas de la même manière.

Premier type de peur : la peur dans des situations dangereuses. Un tremblement de terre, un accident de voiture, un passage dans un quartier peu éclairé la nuit… Ces peurs sont déclenchées par un danger ou par un sentiment d’insécurité. Elles peuvent nous sauver : si nous traversons la route sans regarder, c’est la peur, déclenchée par le bruit du coup de frein, qui nous permet d’éviter la voiture ! Si nous tenons un objet entre nos mains, notre peur de le casser peut nous inciter à en prendre soin et à faire attention. D’autres fois, cette peur nous fera fuir, nous permettant d’éviter le danger qui menaçait…

Mais les traces de ces peurs peuvent rester en nous comme des résurgences : même une fois le danger évité, le traumatisme laissé en nous va se réveiller à chaque nouvelle situation semblable. La seule solution pour traiter ces résurgences de la peur, c’est la parole… Nous savons tous que les victimes d’attentats ou de violence se voient proposer un accompagnement psychologique pour pouvoir « vider » le trop plein d’émotion qui risque de devenir traumatisme durable s’il n’est pas traité par la parole…

 Deuxième type de peur : la peur de soi. Peur de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir, peur d’être incapable, peur de l’échec… Cette peur nous ronge de l’intérieur et bloque souvent notre motivation. Elle nous empêche aussi de prendre notre place au milieu des autres que nous croyons toujours meilleurs que nous. Cette peur-là manifeste un manque de confiance en soi. Peut-être avons-nous manqué de signes de reconnaissance ou avons-nous été dévalorisés au temps de nos apprentissages. Peut-être la pression des résultats ou de l’autorité nous a-t-elle déstabilisée au point de nous faire croire que nous ne sommes pas assez forts pour résister… alors que ce sont les poids qui sont trop lourds !

 Troisième type de peur, qui se nourrit souvent du précédent : la peur de l’autre. Peur de ce que l’autre va penser. Peur du jugement et des reproches. Peur de ne pas être comme les autres… Cette peur nous entraîne souvent à nous soumettre au bon vouloir de l’autre, à nous adapter à ce qu’il attend de nous au point de faire taire ce que nous sommes vraiment. Elle nous conduit à ne pas pouvoir dire non, à répondre aux besoins de l’autre et bien souvent à dire non à nos propres besoins. Cette peur nous installe dans une relation de domination/soumission.

 Ces peurs sont différentes, mais elles ont toutes un point commun : elles nous empêchent d’être nous-mêmes et nous soumettent à la pression des évènements qui surviennent, des contextes dans lesquels nous vivons et des personnes que nous laissons prendre le pouvoir sur nous. Au point d’être parfois tellement tétanisés par ces peurs que nous restons sans réaction. Nous nous habituons à nous laisser envahir. Nous ne réussissons plus à regarder à côté ce qui pourrait nous plonger dans un climat plus respectueux de ce que nous sommes. L’arbre qui a déclenché la peur cache la forêt qui pourrait nous protéger. Et nous avons même parfois l’impression que nous attirons les catastrophes sur nous. A tel point que, même si tout va bien, nous avons peur en permanence de ce qui peut nous tomber dessus…

Comment sortir de la peur ? D’abord apprivoiser la peur. C’est toujours quelque chose d’extérieur qui la déclenche : un évènement, un reproche, une sollicitation… Et cet extérieur nous envahit et fait bouillonner l’émotion de peur… Plutôt que de nous laisser aspirer par ce qui vient nous envahir de l’extérieur, nous pouvons apprendre à nous recentrer sur nous-mêmes : nommer ma peur, la reconnaître et l’accepter, et aussitôt chercher de quoi j’aurais besoin pour ne plus avoir peur. Besoin de me protéger, besoin de sécurité, besoin de soutien, besoin de repos, etc. Et tout besoin dont la satisfaction dépend de moi et pas de l’autre (pas question d’avoir besoin que l’autre devienne gentil ou change d’attitude, car cela ne dépend pas de moi !)

 Et si je ne peux pas travailler ainsi ma peur sur le champ, je peux encore le faire dès que possible. La plupart du temps, le plus gros de la peur passée, nous « ruminons », nous ressassons les évènements au risque de les amplifier comme une avalanche ; nous nous plaignons des paroles entendues ou des « méchancetés » de l’autre ; nous nous lamentons sur nous-mêmes et nous nous jugeons nuls, incapables, minables… Tout cela ne fait qu’amplifier le mal-être et donc l’incapacité à traiter la peur et à faire face aux prochaines situations difficiles. Remplaçons toutes ces plaintes qui développent la rancœur par une recherche des besoins vitaux et légitimes qui sont en moi, et qui ont été blessés ou profondément insatisfaits par les évènements. Plutôt que de nous lamenter sur ce qui s’est passé, cherchons en nous et autour de nous les moyens de satisfaire ces besoins, de développer la confiance en soi, de trouver des vrais alliés. Tout cela nous remettra dans une attitude constructive et nous découvrirons étonnés, lors d’une prochaine situation difficile, que notre peur n’est plus la même et que nous apprenons à nous protéger.

 Appliquons cela à nos peurs de nous-mêmes et à notre manque de confiance en nous. Jacques SALOMÉ écrit : « Nos peurs sont les nids de nos désirs ». Si j’ai peur de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir, c’est que j’ai envie de savoir et de pouvoir… Si j’ai peur de l’échec, c’est que j’ai envie de réussir… Chercher derrière nos peurs les désirs cachés. Au lieu de dire comme d’habitude : « mais je n’y arriverai pas ! », si vous disiez : « pour y arriver, comment je peux m’y prendre ? Sur quelles ressources personnelles je peux compter ? à quelles difficultés vais-je être affronté et comment les contourner ? à qui je peux faire appel pour m’accompagner ou me donner un coup de main ? » Tous ceux qui ont réussi savent que la peur peut nourrir le désir et sa mise en œuvre. Aung San Suu Kyi, résistante birmane, écrit à partir de son expérience : « Les courageux ne sont pas ceux qui n’ont pas peur, mais bien ceux qui, avec et malgré leur peur, font ce qu’ils croient juste. »

 Quant à la peur de l’autre, nul doute qu’elle va diminuer si les propositions ci-dessous sont appliquées. Car plus je serai à l’écoute de mes désirs et de mes besoins, et à la recherche de leurs satisfactions, plus je pourrai tenir debout dans la relation à l’autre, sans peur et sans « m’écraser ». On pourrait croire que prendre en compte mes besoins est de l’égoïsme et va me couper des autres. Essayez, et vous verrez que c’est le contraire qui se produira : plus vous prendrez soin de vos besoins, et plus vous pourrez entendre ceux des autres, non comme des exigences vis-à-vis de vous-mêmes, mais comme leurs besoins à eux, légitimes, auxquels vous resterez libres de dire oui ou de dire non. Vous trouverez alors une relation libre et respectueuse où chacun prend soin de ses besoins personnels, demande parfois à l’autre un soutien ou une participation, sans rien imposer, sans chercher à dominer l’autre et à en faire l’esclave de ses propres besoins.

Il reste que l’autre n’est pas toujours coopérant et peut continuer à vouloir me faire peur ou me dominer. C’est possible et il n’est pas en mon pouvoir de changer l’autre. Mais je peux changer de posture face à lui : plutôt que de m’écraser, je vais apprendre, au nom de mes besoins, à dire non sans agressivité. Et quand je l’entendrai me juger ou me faire des reproches, je découvrirai que ses reproches et jugements ne parlent que de lui, de ce qu’il veut obtenir ou de ce qu’il attend de moi. Sans agressivité et sans je me justifier, libéré de la peur, je ne me sentirai plus enfermé par ses jugements… car moi seul sait qui je suis et ce que je peux offrir à l’autre dans le cadre d’une relation de liberté et de respect…

 Tout cela est à la portée de chacun, moyennant un peu d’entraînement !

 Marc THOMAS, Consultant Formateur en Compétences relationnelles,
15 mai 2015

PDF1

⇒ Un interview de Marc THOMAS : « Canaliser la peur »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *