Etymologiquement, le mot « émotion » se divise en deux parties :
– motion : comme la loco-motion, comme le moteur, comme le mouvement… C’est donc une mise mouvement, une énergie qui fait bouger : des yeux qui laissent couler les larmes ; un visage qui sourit ou se crispe, des corps qui dansent, des gestes forts…
– e- : qui vient du « ex » latin, comme de l’anglais « exit », qui signifie « hors de », qui monte de l’in-térieur vers l’ex-térieur, une énergie qui sort…
L’émotion, un mouvement qui sort du dedans vers dehors et que je ne peux réprimer. Même si je cherche à la cacher, mes voisins verront que je me crispe et me rigidifie. Et avant même que je dise des mots, mes larmes, mon sourire, mes gestes, mes élans ont déjà manifesté ce ressenti qui vient du dedans et s’exprime au-dehors. Je peux masquer mes mots, je ne peux jamais masquer totalement l’expression de mes ressentis. Mes émotions sont le langage de mon corps extérieur qui parle de mon être intérieur. Et ce que dit mon corps par ces mouvements émotionnels, c’est toujours vrai ! iSi je suis énervé, fatigué, exalté, triste, heureux, c’est toujours vrai, car j’ai toujours une raison (bonne ou mauvaise peu importe) de l’être !
CACHER SES ÉMOTIONS
Nous avons souvent appris par notre éducation qu’il ne fallait pas montrer ses émotions, parce qu’elles étaient alors interprétées comme l’expression de nos fragilités et même de nos faiblesses. Et ceux qui nous invitaient à cacher nos émotions avaient cependant une bonne intention : ils voulaient faire de nous des êtres forts qui ne soient pas balayés par la première tempête.
Pourtant, cacher nos émotions nous obligeait à contraindre et à verrouiller nos élans intérieurs. Comme une source qu’on voudrait boucher et qui se mettrait à fuir de tous les côtés. Par exemple, on apprenait aux garçons à ne pas pleurer parce que c’était perçu comme une faiblesse. S’empêcher de pleurer était perçu comme une manière de devenir fort. Les garçons ont bien entendu le message, mais l’interdiction de pleurer les a fait se tromper de force : ils sont devenus macho ! Alors que ceux qui se donnent le droit de pleurer deviennent empathiques et peuvent être forts dans le soutien et le secours à celles et ceux qui souffrent !
DES ÉMOTIONS RÉPRIMÉES
Les émotions sont bien des énergies du dedans qui sortent et se manifestent à l’extérieur. Avec, comme toute énergie, une sorte de pression… Comme la pression de l’eau au robinet, comme l’intensité du courant dans les fils électriques, comme la force du vent qui fait avancer les bateaux et tourner les éoliennes, comme la pression du vent de face qui fait décoller les avions…
L’e(x)-motion est une ex-pression :
larmes, sourire, cris, gestes, crispations…
Si tu la fais taire, tu es dans la ré-pression :
contrôle, rigidité, poings serrés, serrer les dents…
Si tu la gardes en toi, tu es dans l’im-pression :
mal au ventre, plein le dos, maladie, tensions…
Parfois jusqu’à la dé-pression :
mal-être, burn-out, congés maladie, épuisement…
Et même jusqu’à la sup-pression :
violence, mutisme, alcool, addictions, suicide…
Avez-vous compris maintenant pourquoi c’est une erreur de penser qu’il faut taire ses émotions ? Bien des violences intrafamiliales ou débordements sociaux, jusqu’au terrorisme, résultent de colères ou de détresses qui n’ont pas pu s’exprimer et déverser leur trop-plein !
DES ÉMOTIONS EXPRIMÉES
Seuls les mots permettent à l’être humain de traiter ses émotions. Parce que le cœur qui déborde n’est canalisé que par la tête qui cherche à comprendre.
Habituellement, notre tête et notre cerveau jouent le rôle de tour de contrôle : ils analysent nos ressentis, nos désirs, nos envies, nos besoins, nos projets. C’est pourquoi nous sommes habituellement capables de contrôler nos envies de vol ou de violence, nos pulsions agressives ou sexuelles, nos consommations de nourriture et d’alcool, etc.
Mais les émotions débordent, la liaison entre la tête et le cœur est rompue. Et tout personne qui dit à un homme en colère : « Calme toi ! Il n’y a pas de raison » ne fait qu’amplifier sa colère… parce que sa tête ne contrôle plus, et parce que le conseilleur ne reconnaît pas la légitimité de l’émotion de l’autre.
La seule manière de canaliser les émotions, c’est de l’exprimer. Si ce ne sont pas les mots qui viennent exprimer les émotions, alors la seule solution sera la violence, contre soi ou contre l’autre : violence verbale et physique, violence de toutes les rigidités et verrouillages, violence de la maladie, de la déprime et de la folie…
Seuls les mots sont capables de canaliser l’émotion et d’en percevoir le message… Parce que ces mots viennent certes de l’émotion, mais ils doivent faire appel au cerveau pour devenir des mots… Et donc celui qui parle relie par ses mots le cœur débordant et la tour de contrôle ! Et l’être déchiqueté de l’intérieur commence à remettre en relation les diverses parts de lui et à se réintégrer lui-même.
Si des parents qui voient leur enfant pleurer lui disent : « Qu’est-ce qui s’est passé mon chéri ? », petit-à-petit, du fond même de ses sanglots, l’enfant va répondre : « Tu sais… maman… papa…… ma copine… elle m’a dit… elle a fait… » Et si les parents ont la patience d’écouter leur enfant, au rythme de ses sanglots et des mots hachés, sans vouloir trop vite lui dire : « C’est pas grave… », alors l’enfant va se mettre à parler, à raconter… peut-être ce qui s’est passé, mais aussi ce qu’il a ressenti… Surtout si ces parents évitent tout jugement sur la copine mais aident l’enfant à se connecter à ses émotions en lui disant par exemple : « Et qu’est-ce que ça t’a fait quand elle a dit ça ? » Ce faisant, grâce à l’écoute de ses parents, cet enfant va se calmer lui-même. Parce qu’il aura pu exprimer son émotion, et parce que son expression aura été accueillie et entendue.
Et il en va de même pour tous les adultes qui s’enferment dans le silence, ruminent, pleurent, crient, sont désespérés… Si au lieu de leur dire de se calmer, on leur demande simplement : « Qu’est-ce qui se passe ? », et si l’on accepte que les première paroles soient un peu chaotiques, lentement, les mots prononcés vont être de vrais régulateurs et canalisateurs du trop plein des ressentis…
Les émotions sont toujours vraies…
Ça serait tellement dommage et destructeur de se priver de leurs ex-pressions !!!
Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
janvier 2018
Écrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com