Invité à témoigner de « La pratique de la Communication Non Violente » devant un groupe, Chantal m’interroge : « Je rencontre souvent une personne qui me met dans tous mes états. Je me dis toujours avant qu’il faut que je me contienne, mais chaque fois c’est pareil, j’explose. Que faire quand je suis en sa présence pour garder mon calme ? »
D’abord, Chantal, vous voyez bien que vos bonnes résolutions de vous contenir ne marchent pas. Et si ça marchait, vous en sortiriez tellement stressée que vous exploseriez plus fort ailleurs !
C’est en amont qu’il faut faire des grands travaux ! Ici à la Réunion, quand viennent les grosses pluies ou les cyclones, les eaux ne peuvent s’évacuer des Hauts vers la mer que si les services de voirie ont anticipé les crues : c’est avant le cyclone qu’ils ont dégagé les ravines de tout ce qui les obstrue, qu’ils ont aménagé des caniveaux profonds et des canalisations pour guider l’eau vers le bas sans déborder sur les terres habitées ou cultivées. Personne ne peut dévier la trajectoire du cyclone, mais une bonne analyse du terrain et du cyclone permet de canaliser les trombes d’eau pour s’en protéger.
Dans une relation interpersonnelle cyclonique ou déstabilisante, c’est aussi en amont que des travaux sont à faire en vous. Ces travaux ne sont pas guerriers : il ne s’agit pas de fuir, ni de revêtir une armure, ni de vous armer pour écraser l’autre. Ces travaux ne sont pas à faire sur l’autre : il ne s’agit pas de l’accuser, de le juger, d’exiger qu’il change…
Chantal est visiblement intéressée, mais elle reste dubitative : « Oui, je comprends, mais comment faire ces travaux en moi ? Où sont les outils pour creuser les dérivations et dégager les bouchons ? »
Je vous propose deux outils : d’abord dites non au jugement sur l’autre et aussi sur vous («Je suis nulle… Je devrais pouvoir… Il m’agresse… Il n’a pas le droit de… »). Remplacez cette attitude qui juge par une attitude qui accepte, qui analyse pour chercher à comprendre : qu’est-ce que ça me fait ? qu’’est-ce que je ne supporte pas ? Qu’est-ce qui me met dans des états pareils ?
Deuxième outil : laissez parler votre mémoire émotionnelle : en quelles autres circonstances je réagis comme ça ? Qu’est-ce que ça me rappelle ? Quelle blessure enfouie est ravivée dans cette rencontre ? Et là, par la parole qui nomme, faites ces travaux de déblaiement et de canalisation de ce qui a pu déborder et qui risque de déborder encore à la prochaine rencontre.
Car ce qui vous fait exploser, ce n’est pas l’attitude de l’autre… L’autre n’est qu’un déclencheur qui fait sauter les vannes de cet insupportable qui vous habite, depuis bien longtemps parfois…
Il vous reste à prendre la pelle et la pioche de la parole partagée pour travailler en vous, avec délicatesse, jusqu’à trouver la juste distance où vous serez moins submergée à la prochaine rencontre.
Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
septembre 2012