Je devais arriver chez une proche que je vois une fois par an et avec qui les relations sont parfois difficiles. Comme convenu entre nous, je lui téléphone pour annoncer mon arrivée vers 16h. Elle me répond : « Nous allons à la plage à 16h. Si on n’est pas là, tu trouveras la clef à tel endroit. » Je ne dis rien, mais je rumine : « Ca fait un an qu’on ne s’est pas vu, et elle ne peut même pas changer son programme de loisirs pour être là pour m’accueillir. » Il s’en suit toute une liste de pensées négatives qui réactivent les souvenirs de relations tendues avec elle : une fois de plus, je ne compte pas à ses yeux… Elle ne pense qu’à elle…
J’ai fini par arriver. Elle n’était pas allée à la plage car il pleuvait ! Le lendemain, son fils et ses petits enfants s’annoncent pour 17h après toute une journée de route. Ses petits enfants sont tout pour elle. Et je l’entends répondre à son fils au téléphone : « D’accord mais on va à la plage à 16h, vous trouverez la clef à tel endroit… ou bien rejoignez-nous à la plage. » Je suis surpris : elle agit avec ses petits enfants qu’elle adore comme avec moi !
Première découverte : je me suis trompé hier en interprétant son absence comme un rejet de moi. C’est seulement sa manière à elle de vivre et de gérer ses priorités.
Vers 16h15, nous sommes en route pour la plage et son fils appelle à nouveau : « nous serons là dans une demi-heure. » Elle répond : « on va à la plage, rejoignez-nous ! » Dans ma logique à moi, je lui dis : « Si ton fils et tes petits-enfants arrivent, on peut rentrer à la maison pour les accueillir ». Elle me répond : « Non, il connaissent la maison et ils peuvent nous rejoindre à la plage ».
Deuxième découverte : sa manière d’accueillir n’est pas la même que la mienne. J’aurais changé mon programme pour accueillir ceux qui arrivaient chez moi. Elle invite ceux qui arrivent à la rejoindre pour partager ce qu’elle est en train de vivre. Nous sommes différents, nous n’avons pas les même priorités.
Je continue à avoir du mal à comprendre qu’on ne change pas son programme, quand c’est possible, pour accueillir ceux qui arrivent. Mais au nom de quoi pourrais-je la juger ? Moi, je lâche mes activités pour accueillir l’autre et je n’ai pas envie de changer cela. Elle invite l’autre à la rejoindre dans ses priorités et, signe de confiance, laisse l’autre ouvrir sa maison et s’installer chez elle-même en son absence. Qui a tort ? Qui a raison ? Personne ! Chacun de nous vit à sa manière le lien entre ses priorités et ses relations.
Dans cette situation simple de vacances et de tensions relationnelles, j’ai beaucoup appris à vivre dans le quotidien ce que je transmets en formation : nos interprétations parlent d’abord de nous et du sens que nous donnons aux comportements. Malheureusement, nous nous servons de ces interprétations qui parlent de nous pour juger les autres, sans même chercher le sens qu’eux-mêmes donnent aux actes qu’ils posent !
La prochaine fois que tu vis une tension relationnelle, au lieu de partir d’emblée à juger l’autre, demande-toi d’abord : comment j’interprète cette situation ? Qu’est-ce que ça dit de moi, de mes priorités, du sens que je donne à mes actions ? Et ensuite seulement essaye de constater et de comprendre – et pas de juger – comment l’autre fonctionne et quel sens il donne à ses comportements. Tu constateras des différences. Il pourra y avoir des désaccords. Mais plus de jugements ni de rumination qui ne sont que de l’autodestruction !
Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
août 2014