Archives de catégorie : Émotions

En situation difficile,
commence par prendre soin de toi

En situation difficile,
nous nous laissons souvent emporter par la peur, par la colère, par l’agressivité…
Un imprévu désagréable, un reproche entendu, un désaccord exprimé…
et nous voici submergés par ces événements extérieurs qui envahissent tout notre espace. Nous risquons d’en rajouter en racontant à qui veut l’entendre
à quel point nous sommes victimes.
Et plus nous racontons, et plus nous faisons grossir l’avalanche…
Ou bien nous élargissons la plaie ouverte
et y versons l’acide de nos récriminations et de nos plaintes…

Si tu fais une randonnée en montagne et que tu te blesses contre un rocher,
vas-tu passer ton temps à récriminer contre ce rocher ?
Tu vas plutôt prendre soin de ta plaie, la désinfecter, la protéger, et reprendre ta marche.

De même, en situation difficile,
plutôt que de t’acharner sur l’événement ou la personne qui t’ont blessé,
commence par prendre soin de toi, par prendre soin de ce qui est touché en toi,
même si cela exige de différer momentanément le traitement du problème.

Il y a une manière très simple de prendre soin de toi en situation difficile :
elle consiste à t’appliquer à toi-même les 4 étapes de la Communication Non Violente.
On a parfois fait de ces quatre étapes une méthode ou une grille théorique.
Utilise-les plutôt comme 4 étapes d’un soin de bien-être.

Etape préliminaire : lâche l’autre, et occupe toi de toi !

Etape 1 : Prends soin non de ce que l’autre a fait, mais de ce que tu as perçu.
Remémore-toi ce que tu as vu et entendu.
Peut-être n’as-tu pas tout vu, mais seulement une image, un regard qui t’a choqué…
Peut-être n’as-tu pas tout entendu, mais peut-être un mot, une phrase qui t’a blessé…
Cette image, ce regard, ces mots, tu les as pris pour toi, tu les as laissés entrer en toi,
alors qu’ils appartenaient aux événements et aux personnes qui les ont exprimés.
rends-leur la responsabilité de leurs expressions,
sans agressivité, simplement pour t’en dégager et t’en libérer…

Etape 2 : accueille ce que tu ressens
comme sensations, comme ressentis, comme sentiments…
De la peur, de la colère, de la peine, du rejet… ?
D’habitude tu transformes ces ressentis en reproches ou en jugements
en accusant l’autre d’en être la cause.
Mais un autre que toi aurais ressenti autre chose devant les mêmes événements.
Ces ressentis ne parlent que de toi, de ce que ça te fait,
et les événements n’en sont que les déclencheurs.
Ecoute donc en toi…
Derrière cette peur, il y a quelque chose de précieux que tu veux protéger…
Derrière ta colère, il y a tes limites de l’insupportable et tes valeurs…
Derrière la peine et la déception, il y a des espoirs à réaliser…
Derrière le rejet, il y a ton besoin légitime d’être aimé…
Derrière tous ces ressentis douloureux,
cherche la pépite précieuse, l’amour, l’espoir… et le meilleur de toi !

Etape 3 : accueille tes besoins.
En accueillant tes ressentis,
tu es déjà sur le chemin de la prise en compte de tes besoins à satisfaire.
Nomme-les ces besoins :
repos, respiration, sérénité, protection…
relations authentiques, solidarité, confiance en l’autre, amitié, amour…
estime, valorisation, confiance en soi…
épanouissement, bien-être, réussite, réalisation de toi…
Ces besoins sont les tiens, toi seul est responsable de les satisfaire.
Si tu attends toujours de l’autre qu’il satisfasse tes besoins,
tu te soumets à lui ou tu le soumets à toi,
et tu vis dans la dépendance en lui remettant les clefs de ton bien-être.

Voilà, tu as pris soin de toi.
Tu as relu les événements et tu as peut-être élargi le champ de ta perception
en découvrant des éléments que tu n’avais vu au premier regard…
Tu as accueilli et canalisé tes ressentis
en découvrant ce qu’ils exprimaient de précieux en toi…
Tu as repris en main la satisfaction de tes besoins
et la responsabilité de ton bien-être…
Déjà tu te sens mieux, calmé, détendu,
fatigué peut-être d’avoir lâché la pression, d’avoir lâché-prise…
Tu pourras alors dans quelques moments passer à l’étape suivante.

Etape 4 : tu peux donc maintenant retourner vers le monde et la vie quotidienne :
l’événement douloureux n’est plus l’arbre qui cache la forêt,
et tu sors de cette épreuve renforcé pour mieux affronter les suivants…
Tu peux aussi maintenant retourner vers l’autre et prendre soin de la relation.
Tu peux écouter et accueillir sa perception et ses ressentis différents des tiens…
entendre ses besoins sans te sentir obligé de les satisfaire…
Et vous pouvez ensemble maintenant chercher des solutions à votre différend.
Il s’agit de demandes à exprimer pour la satisfactions de vos besoins,
de propositions à élaborer ensemble pour reprendre la relation ou la collaboration,
de limites à exprimer, voire de refus à nommer sans agression pour restaurer la sécurité…
Autant d’éléments d’une négociation qui permettent de trouver une nouvelle dynamique.

On nous a parfois fait croire que c’était de l’égoïsme de prendre soin de soi !
Je ne parle pas bien sûr de l’enfermement sur soi qui relègue et rejette…
Bien au contraire, prendre soin de soi est la condition sine qua non
de la qualité de notre présence au monde,
et de l’établissement de relations authentiques et durablement sereines.

En situation difficile, commence toujours par prendre soin de toi !

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
Ecrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com

Tu peux te libérer de la souffrance

Je t’écoutais ce soir-là…
J’écoutais tes mots,
j’écoutais les manifestations
de ta souffrance extrême :
des larmes,
le ventre qui se noue de douleur,
des mots hachés…
Ainsi remontaient à la surfacedes violences subies, inacceptables…

 

Dans cette souffrance réactivée,
je percevais que la violence subie sortait de toi, comme un chemin de libération.
Je te l’ai dit. Mais tu ne pouvais pas encore y croire,
d’autant plus que tu avais honte de ne pas avoir pu dire non à ces violences subies…

Pourtant, le lendemain tu me disais être étonnée de ressentir de la sérénité
Et tu m’écrivais quelques jours après :

« La douce sérénité, que j’ai ressentie l’autre jour après notre soirée à discuter d’événements douloureux, n’est pas encore revenue…mais en travaillant sur moi, j’espère la retrouver, car cet état d’apaisement et de libération me donnait le sentiment d’être pleinement moi même. »

 Cette sérénité est venue confirmer
que ta douleur extrême de ce soir là n’était pas une nouvelle violence :
elle était le début d’une libération.

Tu étais en train de sortir de toi cette souffrance,
tu la « vomissais » pour t’en libérer.
Tu ne le savais pas sur le moment,
mais ton être intérieur le savait déjà…

La meilleure preuve de cette libération, c’est l’enchaînement immédiat :
la sérénité qui succède à l’intense douleur exprimée, puis comme tu l’écris :
« cet état d’apaisement et de libération
me donnait le sentiment d’être pleinement moi même. »

Cette expérience t’indique le chemin à poursuivre :
vider pour éliminer et libérer,
et automatiquement retrouver la sérénité sans même l’avoir cherchée…
Puis te sentir devenir enfin toi-même.

La sérénité reviendra chaque fois que tu poursuivras ce travail de libération,
jusqu’à s’installer durablement.

Tu sais maintenant par expérience que c’est possible ! A plusieurs conditions :

renoncer à accuser l’autre quand revient la souffrance…
dénoncer les méfaits de la relation, mais ne plus laisser ton esprit les ressasser…
« lâcher » l’autre, et la volonté de comprendre ou de se venger, si violent fut-il…

Et te tourner vers toi… et prendre soin de toi…
Accueillir les moments où tu crois régresser et revenir à la souffrance :
elle ne revient que parce qu’il y a encore quelque chose à vider
dans la dynamique de libération entreprise.

Vider l’insupportable et désinfecter tes blessures…
Accueillir et écouter tes émotions…
Chercher tes besoins et aspirations cachées derrière ces souffrances et ces émotions…
Chercher tes valeurs blessées derrière la honte…

Prendre soin de toi et devenir toi-même, dans la sérénité.

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
13 août 2018

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Ex-primer les é-motions

Etymologiquement, le mot « émotion » se divise en deux parties :
motion : comme la loco-motion, comme le moteur, comme le mouvement… C’est donc une mise  mouvement, une énergie qui fait bouger : des yeux qui laissent couler les larmes ; un visage qui sourit ou se crispe, des corps qui dansent, des gestes forts…
e- : qui vient du « ex » latin, comme de l’anglais « exit », qui signifie « hors de », qui monte de l’in-térieur vers l’ex-térieur, une énergie qui sort…

L’émotion, un mouvement qui sort du dedans vers dehors et que je ne peux réprimer. Même si je cherche à la cacher, mes voisins verront que je me crispe et me rigidifie. Et avant même que je dise des mots, mes larmes, mon sourire, mes gestes, mes élans ont déjà manifesté ce ressenti qui vient du dedans et s’exprime au-dehors. Je peux masquer mes mots, je ne peux jamais masquer totalement l’expression de mes ressentis. Mes émotions sont le langage de mon corps extérieur qui parle de mon être intérieur. Et ce que dit mon corps par ces mouvements émotionnels, c’est toujours vrai ! iSi je suis énervé, fatigué, exalté, triste, heureux, c’est toujours vrai, car j’ai toujours une raison (bonne ou mauvaise peu importe) de l’être !

CACHER SES ÉMOTIONS

Nous avons souvent appris par notre éducation qu’il ne fallait pas montrer ses émotions, parce qu’elles étaient alors interprétées comme l’expression de nos fragilités et même de nos faiblesses. Et ceux qui nous invitaient à cacher nos émotions avaient cependant une bonne intention : ils voulaient faire de nous des êtres forts qui ne soient pas balayés par la première tempête.

Pourtant, cacher nos émotions  nous obligeait à contraindre et à verrouiller nos élans intérieurs. Comme une source qu’on voudrait boucher et qui se mettrait à fuir de tous les côtés. Par exemple, on apprenait aux garçons à ne pas pleurer parce que c’était perçu comme une faiblesse. S’empêcher de pleurer était perçu comme une manière de devenir fort. Les garçons ont bien entendu le message, mais l’interdiction de pleurer les a fait se tromper de force : ils sont devenus macho ! Alors que ceux qui se donnent le droit de pleurer  deviennent empathiques et peuvent être forts dans le soutien et le secours à celles et ceux qui souffrent !

DES ÉMOTIONS RÉPRIMÉES

Les émotions sont bien des énergies du dedans qui sortent et se manifestent à l’extérieur. Avec, comme toute énergie, une sorte de pression… Comme la pression de l’eau au robinet, comme l’intensité du courant dans les fils électriques, comme la force du vent qui fait avancer les bateaux et tourner les éoliennes, comme la pression du vent de face qui fait décoller les avions…

L’e(x)-motion est une ex-pression  :
larmes, sourire, cris, gestes, crispations…

Si tu la fais taire, tu es dans la ré-pression :
contrôle, rigidité, poings serrés, serrer les dents…

Si tu la gardes en toi, tu es dans l’im-pression :
mal au ventre, plein le dos, maladie, tensions…

Parfois jusqu’à la dé-pression :
mal-être, burn-out, congés maladie, épuisement…

Et même jusqu’à la sup-pression :
violence, mutisme, alcool, addictions, suicide…

Avez-vous compris maintenant pourquoi c’est une erreur  de penser qu’il faut taire ses émotions ? Bien des violences intrafamiliales ou débordements sociaux, jusqu’au terrorisme, résultent de colères ou de détresses qui n’ont pas pu s’exprimer et déverser leur trop-plein !

DES ÉMOTIONS EXPRIMÉES

Seuls les mots permettent à l’être humain de traiter ses émotions. Parce que le cœur qui déborde n’est canalisé que par la tête qui cherche à comprendre.

Habituellement, notre tête et notre cerveau jouent le rôle de tour de contrôle : ils analysent nos ressentis, nos désirs, nos envies, nos besoins, nos projets. C’est pourquoi nous sommes habituellement capables de contrôler nos envies de vol ou de violence, nos pulsions agressives ou sexuelles, nos consommations de nourriture et d’alcool, etc.

Mais les émotions débordent, la liaison entre la tête et le cœur est rompue. Et tout personne qui dit à un homme en colère : « Calme toi ! Il n’y a pas de raison » ne fait qu’amplifier sa colère… parce que sa tête ne contrôle plus, et parce que le conseilleur ne reconnaît pas la légitimité de l’émotion de l’autre.

La seule manière de canaliser les émotions, c’est de l’exprimer. Si ce ne sont pas les mots qui viennent exprimer les émotions, alors la seule solution sera la violence, contre soi ou contre l’autre : violence verbale et physique, violence de toutes les rigidités et verrouillages, violence de la maladie, de la déprime et de la folie…

Seuls les mots sont capables de canaliser l’émotion et d’en percevoir le message… Parce que ces mots viennent certes de l’émotion, mais ils doivent faire appel au cerveau pour devenir des mots… Et donc celui qui parle relie par ses mots le cœur débordant et la tour de contrôle ! Et l’être déchiqueté de l’intérieur commence à remettre en relation les diverses parts de lui et à se réintégrer lui-même.

Si des parents qui voient leur enfant pleurer lui disent : « Qu’est-ce qui s’est passé mon chéri ? », petit-à-petit, du fond même de ses sanglots, l’enfant va répondre : « Tu sais… maman… papa…… ma copine… elle m’a dit… elle a fait… » Et si les parents ont la patience d’écouter leur enfant, au rythme de ses sanglots et des mots hachés, sans vouloir trop vite lui dire : « C’est pas grave… », alors l’enfant va se mettre à parler, à raconter… peut-être ce qui s’est passé, mais aussi ce qu’il a ressenti… Surtout si ces parents évitent tout jugement sur la copine mais aident l’enfant à se connecter à ses émotions en lui disant par exemple : « Et qu’est-ce que ça t’a fait quand elle a dit ça ? » Ce faisant, grâce à l’écoute de ses parents, cet enfant va se calmer lui-même.   Parce qu’il aura pu exprimer son émotion, et parce que son expression aura été accueillie et entendue.

Et il en va de même pour tous les adultes qui s’enferment dans le silence, ruminent, pleurent, crient, sont désespérés… Si au lieu de leur dire de se calmer, on leur demande simplement : « Qu’est-ce qui se passe ? », et si l’on accepte que les première paroles soient un peu chaotiques, lentement, les mots prononcés vont être de vrais régulateurs et canalisateurs du trop plein des ressentis…

Les émotions sont toujours vraies…
Ça serait tellement dommage et destructeur de se priver de leurs ex-pressions !!!

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
janvier 2018

Écrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com
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Regarde passer tes émotions

Lu sur Facebook :

Contrer mes émotions pour ne pas les prendre en pleine face.
J’essaie, toujours. Parfois, sans succès.
Dois-je les dire, au risque de me rendre vulnérable, de m’exposer à la peur ou au rejet,
ou dois-je les taire, les étouffer sous l’humour facile, au risque de m’empoisonner la tête ? Les écrire, puisque c’est si difficile de parler ? Mais qui sait lire entre mes lignes ?

Contrer les émotions, c’est  la meilleure manière de les prendre en pleine face…
parce que si tu bouches une source, elle fuit de partout…
parce que si tu bouches le canon avec ta main, elle va être déchiquetée…

Accueillir les émotions, c’est à dire les regarder passer sans s’y noyer :
comme on regarde passer des voitures sans se jeter dessous…
comme on ressent la chaleur d’un feu sans aller s’y brûler…
comme on ressent le froid dans les hauts en mettant un pull pour s’en protéger
plutôt que de rester à grelotter sans rien faire…

Les accueillir comme un état momentané de moi…
les nommer, les dire ou les écrire, sans m’identifier à elles…
car elles ne sont pas moi…
elles ne sont qu’une réaction de moi…

Et me retrouver moi,
traversé d’émotions qui bousculent…
mais pas envahi ni submergé…
parce que je les accueille tout en me protégeant à l’écart…
Alors elles me délivrent le message dont elles sont porteurs
et me signalent une valeur à développer,
un besoin vital à satisfaire,
un choix essentiel à honorer…

C’est comme pour apprendre à marcher :
c’est difficile à décrire, ça vient en essayant !

Bien à toi !                                                                               le 12 décembre 2017
Marc                         Téléchargez cet article en pdf                                    mthomas@competences-relationnelles.com

 

Je suis en colère !

La colère n’est pas la violence ! La violence est une colère qui n’a pas été accueillie, exprimée, traitée ! Alors cette colère se retourne contre son auteur, ou elle se projette sur l’autre, jusqu’aux insultes, et jusqu’aux coups. La violence est une dérive illégitime de la colère.

Quand elle ne s’est pas déjà transformée en violence, la colère est une réaction de survie ! C’est la réaction d’une personne qui se trouve confrontée à l’insupportable ou à l’inacceptable. Une situation insupportable, une parole blessante, une contrainte inacceptable : sans cette réaction de survie du cri et de la colère, nous n’aurions d’autre solution que de nous laisser écraser et laminer.

Mais alors, que faire de la colère ? Comment l’accueillir, l’exprimer, la traiter ? La colère fonctionne comme les pluies diluviennes qui tombent pendant les cyclones : c’est un flot qui se déverse d’un seul coup ! Si des bassins de décantation n’ont pas été prévus, si les ravines et les caniveaux ne sont pas assez profonds ou dégagés, si les conduits d’évacuation sont trop petits, l’eau va déborder et tout noyer sur son passage.

ACCUEILLIR LA COLÈRE

Pour l’être humain en colère il en va de même : son bassin de décantation à lui, ce sont ces espaces où il peut vider sa colère sans se retenir, mais aussi sans la projeter sur l’autre. Arrêter  de résister avant qu’il ne soit trop tard, pouvoir crier ma colère sans être entendu, me défouler en pratiquant mon sport ou mon art favori, prendre un moment pour reprendre mon souffle, me retrouver dans un espace familial ou amical sécurisé où ma colère va pouvoir être acceptée tant qu’elle n’est pas violente… Face à la colère, il faut parfois vomir le trop-plein, mais jamais le vomir sur l’autre : les caniveaux conduisent l’au aux rivières, les égouts se déversent dans la nature, et pas dans les maisons !

Face à la colère, il faut pouvoir vider par la parole la douleur qui serre le cœur, l’horreur qui tord les tripes. Accueillir mon émotion, c’est laisser les mots sortir comme ils viennent (pas les insultes !).

Avez-vous compris maintenant l’erreur que vous faites quand vous dites à quelqu’un en colère : « Calme-toi, il n’y a pas de raison de te mettre dans un état pareil ! ». Vous l’invitez ainsi à ravaler ce qu’il a à vomir et à vider ! Ce n’est pas drôle que cela lui fasse encore plus mal et l’énerve davantage, le projetant vers la récrimination sans fin ou vers l’explosion de la violence. La prochaine fois que vous verrez une personne en colère, plutôt que de fuir ou de l’inviter à se calmer, dites-lui : « Quelle colère ! Qu’est-ce qui t’arrive ? » et écoutez-la (sauf si elle vous menace de violence).

METTRE DES MOTS SUR LA COLÈRE

Dans la colère, nous sommes submergés par les émotions, et nous sommes confrontés au risque de faire n’importe quoi et de tout casser. Il en est ainsi parce que les émotions qui nous submergent ont coupé la relation entre notre cœur qui ressent et notre tête qui joue d’habitude le rôle d’observateur à distance et de tour de contrôle.

C’est le moment d’utiliser les ravines et les caniveaux : ils ne stoppent pas l’eau qui s’écoule en cascade, mais ils la canalisent et l’orientent pour qu’elle n’aille pas tout noyer alentour.

Ces ravines et ces caniveaux, ce sont ces moments et ces lieux où la personne en colère va pouvoir mettre des mots sur sa colère. D’abord, son débit est rapide comme un torrent de montagne après l’averse, ses phrases sont entrecoupées de larmes, de cris, de gestes parfois désarticulés… parce que la tour de contrôle ne peut plus jouer son rôle ! Mais si je  laisse la personne s’exprimer, sans prendre sur moi ce qu’elle dit, sans lui dire qu’elle exagère, sans chercher à la calmer ni à la conseiller, alors ses mots si « rocailleux » du début lui permettent de sortir le trop plein, et petit-à-petit, le rythme se ralentit, le ton baisse, la fatigue survient… Parce que je l’ai laissée parler, la personne s’est calmée elle-même. Car en parlant, je dois aller chercher mes mots dans mon cerveau qui va leur donner sens, et ce sont donc mes mots qui vont restaurer la connexion entre mon cœur qui déborde et ma tête qui contrôle.

Avez-vous compris maintenant pourquoi c’est une erreur  de penser qu’il faut taire ses émotions ? La colère que vous n’exprimez pas par des mots et que vous réprimez va s’imprimer en vous sous forme de ruminations, de récriminations, prête à resurgir à la moindre occasion. Imprimée en vous, elle va vous faire somatiser jusqu’aux tensions et au stress, jusqu’à la douleur physique et à la maladie. Et jusqu’à déprimer, en burn-hout ou maladies psychologiques… Jusqu’à la violence où je risque de me supprimer moi-même dans le mutisme, la scarification, la noyade dans l’alcool ou la drogue, le suicide… où je risque de supprimer l’autre : bien des violences intrafamiliales ou débordements sociaux, jusqu’au terrorisme, résultent de colères qui n’ont pas pu s’exprimer et déverser leur trop-plein !

TRAITER LA COLÈRE

Transformer la colère en prenant soin de soi : souvent la colère accuse l’autre, les autres, les injustices, les situations ; souvent la colère s’exprime en reproches, en jugements, et même en insultes. C’est tout cela que la personne a besoin de vider dans un premier  temps comme nous venons de le décrire. Alors quand ce trop plein est vidé, peut commencer une deuxième étape, celle de traiter la colère et ses causes.

Il s’agit de quitter le registre des accusations où je ne parle que de l’autre comme si j’en étais victime, et de tourner le regard vers soi. Comme lorsque je tombe sur un caillou qui me blesse la jambe : je peux m’énerver contre le caillou qui n’avait rien à faire là, mais je ne commencerai à aller mieux que lorsque je vais quitter le caillou pour prendre soin de ma plaie : la désinfecter doucement, puis la protéger en attendant qu’elle cicatrise.

De même avec la colère : quittant le registre des accusations de l’autre, des jugements et des insultes, je vais prendre soin de moi en me posant ce genre de questions : qu’est-ce qui m’est arrivé ? Qu’est-ce que que j’ai vu, entendu ? Qu’est-ce que ça m’a fait ? Qu’est-ce que j’ai ressenti ? Quel autre mauvais souvenir cela m’a-t-il rappelé ? Et de quoi j’ai besoin, là maintenant, pour prendre soin de moi et retrouver mon calme et mon énergie ?

Ces questions, inspirées de la « Communication Non Violente »,  je peux me les poser à moi-même, avec un peu d’entraînement, après avoir vidé le trop plein de ma propre colère. Je peux aussi les poser à l’autre quand j’ai commencé par accueillir sa colère en le laissant vider son trop-plein.  Même si le déclenchement de ma colère est dû à une erreur d’un autre, ce n’est pas le moment de traiter ce problème. Je ne pourrai le traiter de façon juste et efficace qu’après avoir retrouvé ma lucidité, mon calme, mon énergie.

Ce travail n’est plus un travail sur les bassins de décantation extérieurs, ni sur les ravines et les caniveaux extérieurs eux aussi. C’est un travail pour déboucher les conduites intérieures en moi, ces canaux qui relient ma tête, mon cœur et mes tripes, ces canaux de vie qui nourrissent ma foi et mes convictions, et qui sont souvent encombrés, bouchés ou percés par une manière de vivre où je n’ai pas assez pris soin de moi : j’ai pris sur moi et ingurgité des tensions, des malaises et des blessures dont je n’ai pas su ou pas pu me protéger.

Prévenir les prochains débordements, est-ce possible si j’ai un tempérament colérique ? Il n’existe pas de tempéraments colériques ! Car vous n’êtes pas nés colériques ! Simplement, vous avez pris l’habitude de réagir par la colère à toute contrariété, comme d’autres ont réagi par de l’indifférence, par des attaques ou des moqueries, ou par une juste distance qui leur permet de privilégier le dialogue. La colère n’est pas votre nature, c’est votre culture ! On ne peut pas changer sa nature, mais on peut toujours changer ses habitudes et ses manières de réagir quand on en a perçu l’intérêt et trouvé les moyens.

Pour changer nos habitudes colériques, il s’agit d’abord de prendre soin de soi au quotidien, quand on n’est pas en colère. Prendre soin de nos connexions intérieures en quittant le registre de l’accusation pour nous écouter nous : par exemple, quand il va me dire cette parole désagréable, plutôt que de réagir du tac au tac en l’accusant, je vais m’écouter moi : « quand il m’a dit ça, qu’est-ce que ça m’a fait ? qu’est-ce que j’ai ressenti ? quelles étaient les émotions qui m’ont traversé ? Et j’aurais eu besoin de quoi pour être bien ? » Et c’est seulement après m’être posé ces questions et y avoir donné des éléments de réponse que je pourrai rejoindre l’autre pour l’écouter et lui parler et trouver les éléments de négociation nécessaires à la poursuite de nos relations.

On n’apprend pas à nager en haute mer au milieu des bourrasques et des vagues ! On apprend à nager en bassin calme et sécurisé. Je peux apprendre à faire ce travail d’écoute de moi au quotidien, quand je suis en bassin calme sans risque de colère, travail qui consiste à prendre soin de moi et du bon état de mes connexions intérieures. Si je fais ce travail au en bassin calme, il y a de fortes chances que dans la haute mer de relations souvent tendues, je constate progressivement que mon attitude change et que, naturellement, je ressente une plus juste distance face à des situations qui ne submergent plus, parce que j’ai appris à me protéger.

La colère ? une émotion aussi légitime que la joie, la tristesse, la peur, la honte, le dégoût…
La colère ? une réaction de survie qui m’évite de sombrer dans l’écrasement ou dans la violence,
La colère ? un trop plein à vider qui m’invite à prendre soin de moi et à construire des relations sécurisées.

J’aime ma colère et j’en prends soin !

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
novembre 2017

Écrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com

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Je suis trop SUSCEPTIBLE

LA PART SOMBRE D’UNE BELLE SENSIBILITÉ

Mes amis réunionnais me disent souvent : « Nous les créoles, nous sommes susceptibles »… J’ai souvent envie de leur répondre : il n’y a pas que les créoles qui sont susceptibles ! Mais peut-être ont-ils une sensibilité particulière : les cartésiens d’Europe du Nord ont privilégié la raison et sont souvent coupés de leurs émotions ; les créoles et les peuples du Sud réagissent peut-être prioritairement avec leur cœur… et la susceptibilité ne serait alors que la face sombre d’une belle sensibilité cordiale et affective…

Que signifie donc « susceptible » ? Vexé… Touché dans mon amour propre… Blessé de ne pas être respecté…

COMMENT TRAITER MA BLESSURE ?

Une personne susceptible va souffrir dès qu’une remarque désobligeante ou un reproche lui sont adressés.

Lorsque je suis blessé par une remarque ou un reproche, j’ai souvent tendance à critiquer, à lui en vouloir, à ressasser ses paroles, à les répéter en « ladi-lafé » autour de moi… Et plus je les répète, plus je les amplifie… comme une petite boule de neige devient une avalanche à force de tourner sur elle-même. A force de ressasser, j’agis comme une personne qui passerait son temps à tripoter sa plaie et à écarter les bords de sa blessure plutôt que de la désinfecter…

Comment faire pour être moins affecté ?

LAISSER A L’AUTRE CE QUI LUI APPARTIENT

D’abord distinguer ce qui appartient à l’autre et ce qui m’appartient : à l’autre ses reproches, ses mots, son regard… A moi ma blessure, ma souffrance, mes émotions… Distinguer, pour sortir de la confusion.

Le reproche, le jugement, l’attaque que l’autre me fait lui appartiennent et parlent d’abord de lui : s’il me reproche, c’est qu’il espérait quelque chose de moi qu’il n’a pas reçu… S’il me juge, c’est qu’il n’apprécie pas ou n’est pas d’accord… S’il m’attaque, c’est qu’il se sent en danger ou veut me soumettre à son bon plaisir… Tout ce qui est blessant là-dedans ne parle que de lui et de son propre malaise : pourquoi donc le prendrais-je pour moi ou sur moi ? L’erreur du susceptible est de prendre pour lui ce qui ne parle que de son agresseur.

M’ACCUEILLIR AVEC MA SENSIBILITÉ

Pourquoi donc est-ce si difficile de rendre à l’autre ses accusations ? Pourquoi suis-je si fort touché par les appréciations ou les jugements des autres ?

Je ne trouverai la réponse à cette question qu’en choisissant de lâcher mes récriminations sur l’autre, et de les transformer en regard bienveillant et lucide sur moi. En effet, ma susceptibilité ne parle que de moi. D’autres à ma place seraient restés indifférents, ou auraient réagit du tac au tac, ou auraient pris ça avec humour. Moi je suis blessé, cette blessure est la mienne et ne parle que de moi.

Alors pourquoi suis-je si blessé ? Ce n’est pas en m’accusant ou en culpabilisant que je trouverai la réponse, mais seulement en accueillant avec bienveillance mon ressenti et ma souffrance, en les écoutant, et en cherchant le message dont ils sont porteurs pour moi.

Estime de moi
Ma susceptibilité dit peut être que je n’ai pas une grande estime de moi…

Dans ce cas j’attends toujours l’avis et les encouragements des autres pour croire que je suis quelqu’un de bien et pour faire grandir une confiance en moi fragile…

Du coup leur silence ou leurs remarques désobligeantes viennent renforcer ma fragilité et appuient là où ça fait mal.

Traiter ma susceptibilité consistera à travailler sur moi pour faire grandir la confiance en moi, à aller chercher mes vraies « forces » de vie, cachées sous mes fragilités et mes blessures, à me protéger des personnes dont la proximité est toxique pour moi, à chercher des relations de bienveillance, de soutien et d’accompagnement…

Mal aimé
Ma susceptibilité dit peut-être que je me sens toujours ignoré, rejeté, jugé… et que j’ai sans cesse l’impression que personne ne m’aime…

Dans ce cas je n’attends même plus rien des autres, ou chaque fois que je rencontre les autres, je suis dans une méfiance permanente, me disant que je vais me sentir mal au milieu d’eux, que je ne trouverai pas ma place et  demandant ce qu’ils vont encore me reprocher…

Du coup chaque critique renforce mes plaintes d’être incompris : je tourne en rond dans ma tristesse, ma solitude, mes lamentations sur moi-même… et parfois ma jalousie envers les autres…

Traiter ma susceptibilité consistera  à me tourner vers moi-même et à m’écouter sans me juger : n’est-ce pas parce que je ne m’aime pas moi-même que j’ai l’impression que personne ne m’aime ? Il s’agira alors de porter sur moi un regard bienveillant, de ne pas me laisser envahir par les aspects négatifs, mais de chercher ce que mes blessures cachent comme pépites… Par exemple, derrière le sentiment d’être victime, il y a souvent un désir de liberté… Derrière le sentiment de rejet, un désir de créer des liens de confiance… Derrière la culpabilité, un désir de changer… Traiter ma susceptibilité consistera à couper le « saboteur » de moi-même qui voudrait me faire croire que rien ne sera jamais possible. Je pourrai alors consacrer mon énergie à déguster mes désirs, à prendre soin de mes désirs pour aller chercher leur réalisation, avec le soutien de personnes de confiance.

Survalorisation
Ma susceptibilité dit peut-être que je pense que je suis quelqu’un de bien…

Dans ce cas, j’attends que tout le monde reconnaisse mes qualités, mes compétences… J’ai un besoin exacerbé d’être reconnu et valorisé.

Du coup je ne supporte pas de ne pas être apprécié à ma juste valeur et je ressens du mépris pour celles et ceux qui me semblent incapable de reconnaître mes talents !

Traiter ma susceptibilité consistera alors à m’interroger : comment se fait-il que j’ai tant besoin de mettre en avant mes qualités et mes compétences ? Quel serait pour moi le risque à reconnaître des fragilités ou même des erreurs ? à reconnaître que je ne suis pas parfait et que j’ai encore une marge de progrès ? Si je suis conscient et satisfait de mes valeurs, comment se fait-il que j’ai tant besoin que les autres les reconnaissent et me félicitent ?

DU JUGEMENT AU PROJET

Il s’agit de passer de « susceptible » à « susceptible DE… »

 « Je suis susceptible » : c’est un jugement sur moi, où je m’identifie à ce que je juge : « je suis comme ça, je ne pourrai pas changer… » Comme si c’était mon identité d’être susceptible ! Stop à ce genre de jugement qui ne fait que rigidifier et pétrifier nos attitudes et nos comportements !

« Je suis susceptible DE… » : c’est un projet pour moi : susceptible d’évoluer, de changer, de réaliser les désirs cachés sous mes souffrances… Susceptible de traiter mes blessures, de les cicatriser, d’en faire le terreau de mes ressources… Susceptible de me protéger des relations toxiques et de repérer ou créer des relations de bienveillance… Osons croire en ces projets et en ces possibles qui vont donner de la souplesse à nos vies, à nos relations, et permettre la croissance de notre être profond !

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
octobre 2017

Écrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com

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Lire aussi :         Sortir des reproches pour entrer en dialogue
                             
Renoncer aux reproches et aux jugements
                              Tes émotions ne parlent que de toi

Tes émotions ne parlent que de toi !

Des relations tendues, des paroles blessantes, des émotions qui débordent, des affects qui pourrissent la vie familiale ou les relations professionnelles… Il nous semble si souvent impossible de sortir de ce cercle vicieux des émotions… Et plus vous refoulez vos émotions, plus elles vous grignotent à petit feu… Et plus vous dites qu’il faut laisser ses affects à l’extérieur, et plus elles vous conduisent au burnout ! Alors que faire ? Comment en sortir ?

L’AUTRE EST-IL RESPONSABLE DE MA SOUFFRANCE ?

Dans des relations tendues, nous accusons souvent l’autre : « tu m’as blessé… tu m’as agressé… c’est de ta faute si je ne suis pas bien… »

Ou bien nous rendons l’autre responsable de nos émotions désagréables : « Je suis en colère parce que tu ne me comprends pas… je suis triste parce que tu ne fais pas attention à moi… je suis bouleversé parce que tu m’as dit n’importe quoi… »

Nos ressentis se transforment en reproches ou en accusations, et nous rendons l’autre responsable de notre mal-être… Nous prenons une posture de victime qui contribue à augmenter encore l’intensité de notre mal-être puisque nous croyons que nous n’y pouvons rien… Nous faisons dépendre notre bien-être de ses paroles ou de ses attitudes : en rendant l’autre responsable de notre mal-être, nous lui remettons les clefs de notre bien-être…

Alors certes, c’est une parole ou un comportement de l’autre qui a été le déclencheur de notre émotion : par exemple, nous savons tous qu’une parole maladroite peut nous faire très mal… Mais cette parole maladroite n’est qu’un déclencheur : chez moi elle va peut-être déclencher de la souffrance et des larmes, chez un autre elle va déclencher une accusation en retour, chez un troisième un éclat de rires… et un quatrième va peut-être rester indifférent… Un même déclencheur, quatre réactions émotionnelles différentes : l’émotion ne parle pas du déclencheur, mais de la manière dont je le reçois.

Si une ampoule électrique explose quand j’appuie sur le déclencheur-interrupteur, je ne vais pas m’en prendre à l’interrupteur, je vais regarder du côté de l’ampoule si le filament est rompu ou du côté des branchements s’ils sont en court circuit… Mais je ne vais pas d’abord accuser l’interrupteur que j’ai actionné… De même pour nos émotions, elles ne parlent que de nous-mêmes et jamais du déclencheur !

POURQUOI LA PAROLE OU L’ATTITUDE DE L’AUTRE ME FAIT SI MAL ?

Peut-être l’autre a-t-il vraiment voulu me faire mal ou m’agresser, mais c’est moi qui n’ai pas su me protéger… Je ressemble à un boxeur qui irait au combat sans protection, ou à un motard qui se plaindrait d’être blessé dans un accident alors qu’il n’avait ni casque ni vêtements de protection…

Peut-être la parole de l’autre a touché un point très sensible chez moi et a réveillé d’autres souvenirs douloureux bien enfouis en moi, mais restés à vif parce que jamais traités… Comme une blessure non cicatrisée qui fait mal dès que quelqu’un approche la main : ce n’est pas la main qui caresse ou qui désinfecte qui est responsable de la souffrance, c’est la blessure à vif.

Peut-être la tension avec l’autre dure depuis longtemps, et chaque fois qu’il m’approche je prends une posture méfiante par peur d’être blessé… J’interprète tout à travers ma méfiance. Je ressemble alors à une personne qui a peur d’une araignée ou d’un chien : même si ces animaux sont inoffensifs sur le moment, la méfiance et la peur sont responsables du mal-être…

S’il en est ainsi, chaque fois que nous transformons nos émotions et ressentis en reproches et en accusations sur l’autre, nous ne faisons qu’amplifier notre souffrance et élargir nos plaies. Récriminer, c’est verser du vinaigre ou de l’acide sur nos plaies. Cela n’a aucun impact sur l’autre, c’est nous qui amplifions notre souffrance !

Toute cette énergie que nous perdons à critiquer l’autre, à lui faire des reproches ou à l’accuser, que produit-elle habituellement ? Des altercations sans fin où chacun s’épuise à vouloir convaincre l’autre qu’il a tort, sans y parvenir… ou bien des silences résignés qui nous grignotent à petit feu et  n’empêchent pas les récriminations de tourner en boucle jusqu’à nous empoisonner la vie… ou bien des paroles ou des gestes de violence qui détruisent autant la relation que les personnes…

COMMENT FAIRE POUR TRAITER NOS ÉMOTIONS DIFFICILES ?

Essayez donc de quitter la volonté de régler vos comptes avec l’autre. Pour l’instant laissez l’autre, retournez-vous vers vous et commencez par prendre soin de vous.

D’abord changez un mot quand vous parlez ! Nous disons souvent : « Je suis blessé parce que TU… », « je suis en colère parce que TU… » Essayez d’abord de vous dire à vous-même : « Je suis blessé parce que JE… », « je suis en colère parce que JE… Parce que je n’accepte pas… parce que je ne supporte pas… parce que je me sens… parce que ça me rappelle… parce que j’ai besoin… Essayez… Vous verrez vite la différence !

Accueillez et écoutez vos ressentis, essayez de les nommer : tristesse ? déception ? peur ? honte ? jalousie ? haine ? etc. Tous vos ressentis sont légitimes tant que ce sont des ressentis. Quels mots ou attitudes ont déclenché ces ressentis ? Qu’est-ce que ça vous fait à vous ? Quelles sensations dans votre corps ?  Quels ressentis dans votre cœur ? Comment s’expriment ces ressentis : des larmes ? des souffrances ? l’envie de crier ou de dormir pour oublier ? Est-ce un ressenti qui est fréquent pour vous ? qui vous arrive dans d’autres situations ou avec d’autres personnes ?

Ces ressentis sont vrais, ne les refoulez jamais ! Et ne vous jugez pas non plus en disant : « je ne devrais pas réagir comme ça » ou « je devrais être moins sensible » ! Ces ressentis parlent de vous et de votre être profond : accueillez-les, écoutez-les ! Ils sont porteurs d’un message à vous délivrer que vous n’entendrez jamais si vous continuez à vous laisser envahir par vos reproches sur l’autre…

Peut-être aussi vous vous sentez blessé ? rejeté ? abandonné, incompris ? Ces ressentis là ne sont pas vraiment des ressentis, parce qu’ils comportent encore une part de jugement : en effet, c’est toujours l’autre qui est censé m’avoir blessé, rejeté, abandonné ou n’aurait pas voulu me comprendre…

DES RESSENTIS QUI NOUS ALERTENT SUR NOS BESOINS

Dans ce cas, passez vite à l’autre étape : il s’agit de découvrir, cachés derrière nos ressentis – les vrais et les faux – de quels messages ils sont porteurs. Car tous nos ressentis ne sont que des signaux d’alerte, des messages qui nous parlent des besoins de notre être profond. Ça vaut vraiment la peine de quitter nos récriminations sur l’autre pour partir à la recherche de nos besoins profonds !

Alors de quoi avez vous besoin vraiment quand vos ressentis vous font souffrir ? Avoir droit à la parole ? exister pour vous-même sans vous faire rabrouer ? vivre des relations sereines même en cas de désaccord ? être reconnu à votre juste valeur ? trouver les moyens de vous protéger en cas d’agression ?… Ces besoins sont légitimes. Ce sont vos besoins à vous : n’attendez pas que l’autre les découvre et les satisfasse ! Ce sont vos besoins : c’est vous qui êtes responsable de les satisfaire !

SATISFAIRE NOS BESOINS

 Passez donc à l’étape suivante : qu’allez-vous faire pour satisfaire vos besoins ? qu’est-ce qui dépend de vous ? quelle liberté vous donnez-vous pour dire oui ou pour dire non, pour choisir ce qui est bon pour vous ? Vous pensez que vous ne pouvez pas dire non ? Alors faites le choix de demeurer esclave de l’autre ! Car il y a des manières de dire non pour se respecter soi tout en prenant soin de la personne à qui on dit non !

Lorsque vous aurez fait ce parcours, vous n’aurez plus perdu d’énergie comme quand vous faisiez des reproches à l’autre. Au contraire, vous vous sentirez déjà regonflés parce que vous aurez pris soin de vous et vous saurez maintenant que c’est vous qui avez en vous les clefs de votre bien-être !

RESTAURER LA RELATION AVEC L’AUTRE

Alors seulement à ce moment-là, vous pouvez aller retrouver l’autre et vous adresser à lui, sans reproche ni jugement. Vous ne lui parlerez plus de lui, mais vous lui parlerez de vous, de vos besoins, de vos limites… Vous pourrez lui dire : « Quand tu as dit ça (c’est un constat), ça m’a fait mal… je me suis senti blessé, triste, humilié…… parce que j’ai besoin de dialogue, de sincérité, de respect… et je te demande si on peut trouver un moment pour s’écouter quand on a des avis différents… et je refuse les insultes et la violence… et je propose… »

 Vous pourrez même vous intéresser à la manière dont l’autre a vécu la situation, essayer de comprendre pourquoi il a réagi de cette façon. Il ne s’agit pas d’être d’accord avec lui, mais de chercher à comprendre, pour pouvoir négocier avec lui une sortie « par le haut » de cette situation difficile.

Oui, me direz-vous… mais si l’autre refuse de m’écouter ou continue à vouloir me blesser ? D’abord si vous ne le jugez plus, ça va nécessairement changer les relations… et vous avez beaucoup plus de chance que lui aussi s’adoucisse et devienne plus constructif. Mais s’il refuse, affirmez-vous clairement et sans agressivité : « je ne t’ai pas jugé, je ne t’ai pas fait de reproches, alors je te demande d’en faire autant. » Et si malgré cela il continue, quittez la conversation, éloignez-vous, et dites lui que vous êtes prêt à l’écouter et à reprendre le dialogue si lui aussi cesse de vous juger.

Vous avez quitté les jugements et les reproches,
Vous avez pris soin de vos ressentis et de vos besoins, et de ceux de l’autre
Vous voici dans une relation de respect mutuel, sereine et constructive…

Une relation de liberté !

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
juin 2017

Ecrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com

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à lire aussi dans le même esprit :

Quand nos affects nous empoisonnent…

Dans des relations de couple, en famille, dans les équipes de travail, les « affects » sont souvent des occasions de tensions relationnelles et de souffrance : « s’il regarde une autre femme que moi, je suis jalouse… Si ma femme ou mon mari rentre en retard, c’est qu’il ne fait pas attention à moi… Si mes enfants adultes n’ont pas les mêmes avis que moi, c’est qu’ils ne me respectent pas… Si mon chef ou mon collègue ne m’a pas transmis une information, c’est qu’il ne m’aime pas et qu’il veut m’éliminer… »…

Ces « affects » ne sont pas des ressentis, mais des ressentiments, c’est-à-dire des réactions émotionnelles qui interprètent et jugent un comportement de l’autre à partir de ce que ça me fait, et non à partir de ce que l’autre a réellement voulu faire. Ce sont des « ressentis-ment », des ressentis qui « mentent » : quelle que soit l’intention de l’autre et sans m’en préoccuper, je le juge parce que moi j’ai mal.

Ces affects-ressentiments sont du poison relationnel : ils détruisent à petit feu les relations interpersonnelles, les vies de couples, les coopérations d’équipe et leur efficacité, et finalement la motivation et la santé des personnes. Dans les contextes professionnels où ces affects négatifs pullulent, les congés maladie augmentent de façon significative, et la démotivation grandissante se traduit en inefficacité.

Un Directeur de CCAS disait récemment avoir organisé une formation à la Communication bienveillante et à l’affirmation de soi pour son équipe de professionnels. Résultats : 20% de congés maladie en moins, une plus grande motivation de ses personnels, une qualité et une efficacité du travail amélioré, et le plaisir à venir au travail en raison de la bonne ambiance dans l’équipe. Pourquoi se priver de cela en restant dans les récriminations ?

Ce travail sur la confiance en soi coupe le cercle vicieux des affects, en nous  permettant de prendre en compte mes ressentis et ce qu’ils disent de moi et non de l’autre !

La communication peut alors redevenir bienveillante, c’est-à-dire sereine et constructive, même en situation de désaccord. Parce que je distingue ce que je ressens et qui ne parle que de moi, et ce que l’autre fait : je peux alors écouter ce qu’il dit de lui et de ses actes, et je peux lui dire ce que ça me fait, sans confusion. Ainsi s’ouvre un espace de dialogue et de négociation où chacun se respecte lui-même et respecte l’autre.

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
mars 2017

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Traverser l’émotion jusqu’au besoin

Les émotions sont un chemin qui transporte, un torrent qui déborde, un tunnel qui engloutit, un envol qui élève

Chemin, torrent, tunnel, envol : sans eux nous restons figés devant l’obstacle ; avec eux, nous traversons… Ce sont les chances  des émotions, jusqu’aux plus grandes énergies !

Transporter, déborder, engloutir, élever : avec cela, nous risquons de ne plus rien maitriser… Ce sont les risques des émotions, jusqu’aux plus grands bouleversements !

Les émotions sont notre réaction première et légitime aux évènements, aux rencontres, aux relations : nous ne commençons jamais par comprendre, nous commençons toujours par ressentir. Notre intelligence est d’abord émotionnelle : les ressentis déclenchent nos réactions, mais aussi notre pensée. Les émotions sont le premier langage de l’être humain.

Mais si nous restons dans l’émotion, nous risquons de nous y noyer : la peur conduit à l’agression, la colère à la violence, la tristesse à la déprime, et même parfois la joie conduit à l’inconscience. Sans canalisation, l’émotion devient un torrent indomptable et destructeur.

Même dans les contextes plus faciles, avec nos proches ou nos collègues, nous risquons parfois de noyer l’autre dans le courant de nos émotions. La relation en reste aux affects envoûtants ou tendus, mais elle ne construit rien. Or l’émotion n’est pas un lieu où l’on reste ; elle est un lieu où l’on passe pour aller à l’essentiel : les besoins à affirmer et à partager, les demandes à oser exprimer et à négocier.

L’émotion est d’abord un message pour moi-même, me permettant de me situer dans ce qui m’arrive. Elle n’est partagée que si nécessaire et dans un contexte où l’affectif peut s’exprimer. Il est même des contextes où l’émotion sera tue pour aller directement affirmer notre besoin, parce que ce n’est pas le lieu de « mettre son cœur sur la table », ou parce qu’il y aurait danger à s’exposer à la manipulation de l’autre.

Canaliser l’émotion, c’est l’accueillir là où elle jaillit, dans le cœur et dans les « tripes », prendre le temps de la ressentir et de la nommer… Mais si nous restons là dans l’affect, notre émotion n’aura pas rempli sa mission et il y a bien des chances pour qu’elle retombe et nous laisse dans la fatigue ou le regret. Canaliser l’émotion, c’est dans un deuxième temps articuler les « tripes » et le cœur avec la tête et le cerveau pour comprendre le message de l’émotion. Il s’agit d’identifier son origine ou ses causes, de reconnaître le déclencheur à l’extérieur de nous, de nommer ce qui a été touché en nous et de l’associer à d’autres émotions déjà vécues… Canaliser, c’est garder ainsi toute l’énergie de l’émotion, permettre à notre conscience pensante d’en irriguer tout notre être, nos paroles et nos gestes et de la transformer en énergie humanisante.

Ce travail de canalisation nous conduit plus loin encore : il s’agit de traverser l’émotion dans toute son épaisseur et sa force pour y découvrir un besoin vital.

Un besoin vital de sécurité satisfait quand je me sens rassuré sur ma santé, mon emploi ou le devenir de mes enfants… Un besoin vital de relations satisfait quand je ressens la joie des retrouvailles fêtées, le bonheur des amitiés ou des amours vécus… Un besoin vital de reconnaissance satisfait quand je ressens le plaisir de recevoir des appréciations positives de mon chef ou de mes proches… Un besoin vital d’accomplissement satisfait quand je ressens la fierté de la réussite ou la réalisation de mes projets… Traverser l’émotion dans toute son épaisseur pour découvrir au plus profond de moi des besoins satisfaits qui me tiennent debout, équilibré et me font devenir moi-même au milieu des autres

Mais aussi à l’inverse un besoin vital de sécurité insatisfait quand la maladie, la perte d’emploi ou l’échec me font ressentir l’incertitude, me confrontent au risque non maîtrisé… Un besoin vital de relations insatisfait quand je ressens comme une blessure l’agression, la trahison, la rupture… Un besoin vital de reconnaissance insatisfait quand je me sens touché par les reproches, les jugements, surtout s’ils me paraissent injustes… Un besoin vital d’accomplissement insatisfait quand je me sens déchiré par l’échec et le désespoir… Comment canaliser ces émotions douloureuses et destructrices, comment les traverser ?

SILENCE ET DÉNI SONT TOXIQUES

Parfois nous pensons qu’il faut se taire et ravaler nos émotions, et nous disons : « J’encaisse… ». Et pourtant, nous en connaissons le résultat : ayant encaissé, nous ruminons notre douleur comme un acide qui nous ronge de l’intérieur et nous conduit à la déprime, au désespoir, à la violence contre nous-mêmes et contre l’autre… Nous sommes restés dans l’émotion, nous n’avons pas traversé l’émotion jusqu’au besoin et nous n’avons donc pas cherché les moyens de satisfaire ce besoin. Nous sommes restés dans un bain toxique d’émotions et nous nous retrouvons exsangue…

Parfois, quand nous voyons des proches bouleversés d’émotion, nous pensons les aider en niant ces ressentis : « Tu n’as pas besoin d’avoir peur pour cela… » ou encore face à quelqu’un en colère : « Calme-toi, il n’y a pas de raison… » ou encore à un enfant : « Arrête de pleurer, tu es ridicule ! » Or, quand c’est nous-mêmes qui sommes dans la peur, la colère ou les larmes, nous savons bien que ce genre de paroles de déni ne fait qu’amplifier notre malaise, parce que nous ne nous sentons pas compris et accueillis dans notre malaise. Et quand nous-mêmes nous prononçons ces phrases de déni, soi-disant pour calmer et rassurer, c’est plutôt parce que le malaise de l’autre nous perturbe, soit que nous ne sachions pas quoi lui dire, soit que sa peur ou sa colère déclenche notre propre peur. Loin d’aider et de calmer, ce déni des ressentis est comme un déni de la personne dans ce qu’elle vit sur le moment. Car les ressentis qui nous traversent sont toujours vrais ; ils ont toujours des raisons d’être qu’il faut mettre au jour ; ils manifestent toujours des besoins insatisfaits qu’il faut nommer.

ACCUEILLIR ET TRAVERSER POUR CANALISER

Ce qui est écrit ci-dessous sur la manière d’accueillir l’émotion de l’autre, je peux aussi me l’appliquer à moi-même lorsqu’il s’agit d’accueillir et de canaliser ma propre émotion…

D’abord accueillir les ressentis : face à la colère, je ne vais plus dire à l’autre ou à moi-même : « Calme toi, il n’y a pas de raison ». Je vais dire au contraire : « C’est quoi ta colère ? » ou  » Qu’est-ce qui te fait peur ? » ou « Je te sens excédé (ou meurtri, ou triste ou…). » Et je vais laisser l’autre exprimer les raisons de sa colère ou de sa peur.

Je peux tout écouter, sauf les éventuelles insultes ou violences qu’il projetterait sur moi. Je peux tout écouter, même si je ne suis pas d’accord avec lui parce que ça vient de ses propres interprétations, même s’il me semble avoir donné trop d’importance à quelque chose qui me paraît être un détail. Surtout je ne vais pas l’interrompre en lui disant qu’il se trompe. Car en me disant sa colère ou sa peur, il ne me dit pas l’objectivité des faits et des situations : il est en train de me dire comment il a vécu cette situation, ce que ça lui a fait, ce que ça a réveillé en lui… Et parce qu’il est différent de moi, il est légitime qu’il n’ait pas vécu cette situation de la même manière que moi.

La plupart du temps, en exprimant les raisons de sa colère ou de sa peur, la personne se calme ou se rassure elle-même parce que je la laisse vider le trop-plein qui rendait la situation insupportable pour elle. Elle se calme elle-même, parce que mon écoute lui permet de refaire le lien entre son cœur et sa tête : l’émotion qui la débordait empêchait sa tête de penser. Quand je l’invite à parler de ses ressentis, elle commence à balbutier car pour trouver les mots, elle fait appel à sa capacité à analyser et à penser. Ce faisant, elle rétablit le lien entre son cœur qui déborde et son cerveau qui peut à nouveau tenir son rôle de tour de contrôle et faire son travail d’analyse et de mise à distance. C’est ainsi que les affects commencent à se canaliser.

Lorsque les ressentis ont été accueillis et exprimés, il reste à les « traverser » pour rejoindre la rive des besoins insatisfaits. Récemment, François, un participant à une formation, disait avoir été blessé par la réaction de son père : quand il avait voulu dire à son père qu’il choisissait un métier d’informaticien, son père lui avait répondu : « Être toute la journée derrière un ordinateur, ce n’est pas un métier ! » François s’est senti profondément blessé, au point que plusieurs années après, il ne parle toujours pas métier avec son père.

Poursuivant la discussion avec François, je lui demande en quoi cette remarque de son père – dont il savait qu’il n’approchait jamais un ordinateur – l’a si fort blessé. François me regarde, une émotion monte sur son visage et dans sa voix, et il me dit : « Parce que  l’informatique, c’est ma passion ». Sa passion, son besoin, la manière dont il s’accomplit… « Si la remarque de ton père t’a tant blessé, c’est parce que ça touchait ton besoin d’accomplissement. »  » Mais oui, c’est vrai, » me dit François, « j’en rêvais depuis toujours, de l’informatique… alors que pour mon père l’ordinateur est un objet qu’il ne connaît pas et dont il a peur. » Reconnu dans son besoin, ce fils est même capable pour la première fois d’accueillir le ressenti de son père qui l’avait tant blessé.

Un peu plus tard dans la journée, François reviendra me dire ceci : « En plus, mon père était agriculteur, et quand j’habitais chez lui, j’étais le seul de ses enfants à participer aux tâches agricoles… Alors mon père a toujours espéré que je reprendrais la ferme ! » Ayant nommé son propre besoin et sa passion, ce fils peut maintenant accueillir et reconnaître le besoin déçu de son père qui aurait tant voulu transmettre sa passion à son fils…

Traverser l’émotion jusqu’au besoin, jusqu’à identifier le besoin qui a déclenché cette émotion… et donc ensuite trouver les moyens concrets d’affirmer la légitimité de ce besoin et de le satisfaire.

Ça y est, vous n’avez plus peur de vos émotions et vous savez quoi en faire ?
Entraînez vous… Vous allez grandir de l’intérieur et tenir debout !

Lire aussi : Que faire de mes émotions ?

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
août 2016

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Que faire de mes émotions ?

Nous entrons en relation avec l’autre d’abord par nos émotions : la joie de se retrouver, l’élan, le sourire, les gestes d’affection ou d’amitié… ou bien  la peur, la méfiance, les crispations et raidissements, les cris, les larmes, la colère, la rancœur…

Parfois, un simple regard suffit à nous rassurer ou à nous déstabiliser ; un mot de travers suffit à nous atteindre et à nous mettre dans tous nos états, alors qu’un signe de compréhension peut nous détendre…

Dans les désaccords et les tensions relationnelles, l’agressivité surgit rapidement, avec son caractère contagieux. Agresser, c’est toujours rendre l’autre responsable de mon ressenti difficile ou de l’atteinte qui m’a blessé. Et la violence des mots ou des gestes surgit quand les ressentis blessés de chacun ne sont plus sous contrôle et sont projetés sur l’autre comme des armes.

Comment faire pour éviter ces dérives d’agression et de violence ? Et que faire de nos émotions ?

LES FAUSSES PISTES du silence et de la violence

Certains pensent qu’il faut cacher ses ressentis, se taire et faire le gros dos. Mais cette intériorisation de nos ressentis nous pourrit la vie, se transforme souvent en récriminations qui nous font « macérer » dans l’aigreur, parfois jusqu’au mal-être, à la maladie, au burnout… Et les ressentis que nous avons fait taire restent tapis en nous, prêts à rejaillir douloureusement à la prochaine occasion. Alors il débordent, non à cause de la situation nouvelle, mais à cause de tout ce qui est resté accumulé des précédentes et qui a pourri en nous ! Ou bien ils nous ligotent et habillent de méfiance et de peur chacune des situations à risque ou des relations difficiles. Ou encore ils nous endorment quand nous cherchons dans l’alcool et la drogue des échappatoires mortifères.

D’autres transforment leur ressentis en reproches et en jugements sur l’autre : « Tu m’as blessé… C’est de ta faute… Tu n’as pas le droit… Tu te moques de moi… Tu ne vaux rien… ». Parfois jusqu’à l’insulte et à l’injure, et jusqu’à la violence. Souvent en les démultipliant, par du « ladi lafè » comme disent les réunionnais : des rumeurs que l’on colporte en racontant à notre entourage tout le mal que l’autre nous a fait… Cela ne fait qu’amplifier la colère intérieure et la tension dans la relation : mes reproches à l’autre enclenchent souvent les reproches de l’autre sur moi, et les jugements entraînent d’autres jugements… C’est la stratégie de l’avalanche : plus je ressasse et répète mes reproches et mes accusations, plus ils s’augmentent des commentaires de mes partisans et plus je les amplifie jusqu’à qu’ils occupent tout le terrain et finissent pas tout envahir. Tout cela ne fait qu’abîmer la relation, jusqu’à la détruire, et parfois jusqu’à se détruire mutuellement ou à s’en vouloir encore des années après. Douze meurtres depuis 6 mois dans des relations amoureuses à la Réunion !

CANALISER MES RESSENTIS

Il n’y a qu’une solution pour canaliser mes ressentis : les accueillir comme un message sur moi ou un signal d’alerte pour moi. Mes ressentis ne parlent pas de l’autre ni de ce qu’il m’a fait, ils ne parlent que de moi et de ce que la situation a déclenché en moi : de la joie, de l’espoir, de la tristesse, de la colère, de la peur… Accueillir et écouter ce que ces émotions me disent de moi. Choisir de prendre soin de moi et m’interdire d’en faire des armes pour accuser l’autre. Accueillir et écouter mes ressentis car ils sont toujours vrais, en ce sens qu’ils surviennent sans ma réflexion ni ma volonté, et qu’ils ont toujours des raisons de survenir.

Déguster mes ressentis positifs et m’en nourrir parce qu’ils sont le signe que mes désirs, mes attentes et mes besoins sont satisfaits.

Écouter et prendre soin de mes ressentis négatifs comme on prend soin d’une blessure physique pour qu’elle cicatrise. Plus j’accuserais l’autre de m’avoir blessé en ressassant ma colère, plus j’écarterais ma plaie et plus elle me ferait mal. Mais je peux prendre soin de ce ressenti  douloureux et l’accueillir :

  • en désinfectant la plaie : débarrassé des accusations sur l’autre, je peux me soigner moi-même. Reconnaître d’abord ce qui parle de moi qui n’ai pas pu me protéger, ce que ça réveille en moi comme fragilité ou comme autre blessure ancienne non cicatrisée. Reconnaître ensuite sans jugement ce que je ne peux pas accepter dans les paroles ou les actes de l’autre et les lui « rendre », sans forcément lui en parler, mais en refusant de me laisser polluer par quelque chose qui ne m’appartient pas.
  • en identifiant les vraies causes de ces ressentis douloureux : les vraies causes ne sont jamais l’autre, ni ce qui s’est passé : ceux-ci ne sont en effet que des déclencheurs. Les vraies causes sont toujours en moi : une de mes valeurs qui a été bafouée, un besoin vital insatisfait ou blessé, une impossibilité de me protéger…
  • en trouvant les moyens de restaurer mes valeurs, de satisfaire mes besoins, de me protéger davantage. Non pas d’abord en demandant à l’autre de changer, mais en me renforçant moi-même : en nourrissant mes valeurs, en cherchant comment satisfaire mes besoins par moi-même, ou par des relations plus saines et plus sereines, en apprenant à me protéger des agressions comme on apprend à se protéger du froid, de la chaleur et de tous les risques de la vie quotidienne.

Tes émotions et tes ressentis t’appartiennent : ils sont une parole vraie de ton être profond ! Ne les transforme pas en armes contre toi en les ressassant ou contre l’autre en l’accusant. Accueille-les, écoute-les, laisse venir à toi leurs messages : bienfaisants ou douloureux, ils parlent toujours de vie à protéger et à faire grandir, de peurs à apprivoiser, d’espoirs à réaliser…

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Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
août 2016

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