Archives de catégorie : AFFIRMATION DE SOI

Ressentir pour penser

Dev-Hum-Couverture1Nous avons appris à penser, à comprendre, à analyser… bref à développer notre intelligence « intellectuelle »… Mais nous avons peu appris à ressentir, à écouter nos colères ou nos désespoirs, à les accueillir, les apprivoiser et les canaliser…  bref à développer notre intelligence « émotionnelle »… Nos émotions ont souvent été suspectées de faiblesse : il fallait les faire taire et les « ravaler » jusqu’à la nausée…

Ne nous étonnons donc pas que ces émotions refoulées viennent parfois tout bouleverser, et suscitent tant de dégâts en nous et autour de nous : vagues qui nous submergent dans nos vies personnelles ; conduites agressives en famille ou au travail ; colères sociales qui enferment dans le « chacun pour soi » ; violences qui terrorisent quand on se croit humilié ou rejeté…

Il est de moments rares où l’émotion rassemble, plus forte que le « chacun pour soi », que l’opposition des opinions ou la peur de l’autre. Cette émotion qui rassemble n’est certes pas sans ambiguïté… Elle a aussi besoin d’être traitée pour se transformer en pratique quotidienne de l’union dans le respect de la diversité.

Mais seule l’émotion peut rassembler. Elle rassemble des personnes, si différentes parfois, dans la même joie pour la naissance d’un enfant, pour fêter les amoureux ou une réussite professionnelle… dans la même peine pour la mort d’un proche, dans la même stupeur face à la violence de la nature ou des évènements… Les humains sont très différents, mais leur ressentis se ressemblent. Pour penser juste, un humain a d’abord besoin de ressentir, d’être « sensibilisé », de se « sentir » concerné. Lorsque la pensée se sépare de l’émotion, elle devient « doctrinaire » et fondamentaliste. Lorsque l’émotion se sépare de la pensée, elle déborde jusqu’à l’agressivité et à la violence.

On peut combattre des opinions (par exemple le racisme), on peut débattre vigoureusement sur des idées différentes (par exemple les débats politiques). Mais ce débat d’idées tourne aussi très vite à l’affrontement idéologique, chacun cherchant à prouver qu’il a raison, et que l’autre a tort, parfois jusqu’à l’écrasement.

Au contraire, lorsque l’émotion est exprimée, accueillie et respectée, elle nous rapproche et nous identifie à l’autre : « condoléances » (au sens propre de souffrir avec, souffrir de la souffrance de l’autre), ou encore « Je suis… ». Les besoins de chacun sont reconnus par les autres et la recherche de leur satisfaction dépasse le « chacun pour soi » pour devenir solidaire.

Mais tout ce que je viens d’écrire peut rester des belles paroles et des théories figées… si nous ne l’exerçons pas au quotidien. Je vous propose donc un exercice pratique : quittez les discours qui justifient le positionnement que vous avez pris pendant les évènements de début janvier en France. Quittez ces débats tendus qui voudraient convaincre l’autre que vous aviez raison d’être ou de ne pas être Charlie…

A la place de ces débats stériles, faites le choix d’échanger avec respect sur ce que chacun de vous a ressenti dans ces moments là : qu’est-ce qui vous a choqués ? qu’est-ce qui vous a fait mal ? qu’est-ce qui vous a réjouis ?

Nous avons tous été choqués, mais ce ne sont pas les mêmes choses qui nous ont choqués. Nous avons tous « communié » dans la souffrance, beaucoup ont marché ensemble… mais nous n’avons pas souffert de la même chose ni marché pour les mêmes raisons. Nous nous sommes réjouis peut-être, mais pas forcément pour les mêmes motifs. Ces échanges donneront la parole à chacun, à l’unique condition d’accueillir les ressentis de l’autre sans les juger.

Nos chocs exprimés et accueillis sans jugements deviendront moins lourds  et pourront se transformer en motivation pour agir. Nos oppositions se transformeront en ressources et en complémentarités. Une intelligence émotionnelle nous permettra de penser et d’agir plus juste… et de rester ensemble.

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
janvier 2015

Télécharger au format PDF

« Tu ne sais jamais à quel point tu es fort »

Dev-Hum-Couverture1« Tu ne sais jamais à quel point tu es fort, jusqu’au jour où être fort est ta seule option » (extrait de www.fitnext.com)

J’ai reçu cette phrase par une amie qui a fait preuve d’une force incroyable, ces dernières années, pour soutenir ses proches en grande difficulté…

Ce n’est pas la force des coups qui écrase et qui opprime… La force de toutes les prises de pouvoir et de tous les règlements de compte… Cette force ne produit que la violence. Elle laisse des champs de ruines.

Ce n’est pas la force des prises de pouvoir illégitimes… L’autoritarisme dont s’habillent un certain nombre de chefs  ne manifeste que leur incapacité à inspirer le respect et leur peur de perdre leur pouvoir… Cette soi-disant force n’est que le masque des faibles.

Ce n’est pas la force des armures : elle protège parfois, mais le plus souvent elle enferme et verrouille… Nous campons sur nos positions, nous nous figeons sur nos certitudes, nous ressassons ce que les autres nous ont fait… Nous croyons ainsi nous protéger en nous enfermant dans notre tour d’ivoire… Mais nous y pourrissons de l’intérieur.

C’est la force qui rassemble… Au règne du chacun pour soi, la société se désagrège, l’être humain se désintègre. Les solidarités, les amitiés, les amours sincères sont notre force. Sans elles nous nous déshumanisons.

C’est la force qui résiste… Cette force fait échec à la violence… Les Gandhi, Martin Luther King et autres Mandela ont soulevé des foules non violentes  pour faire barrage à l’oppression. Les résistants de 39-45 ont permis la Libération. Dans nos vies quotidiennes, savoir se protéger et résister à l’injustice et à la violence. Savoir dire non rend libre.

C’est la force intérieure : elle sort du cœur… La force qui habite les parents prêts à tout pour protéger et défendre leur enfant… La force de la passion qui fait déplacer des montagnes… La force des convictions qui nous conduit à faire des choses dont nous ne nous serions pas crus capables… La force qui fait traverser les épreuves et les aléas de la vie en restant fidèle à ses convictions… Cette force-là fait tenir debout et avancer, même dans les tempêtes… Cette force-là n’est pas « m’as-tu-vu » ; c’est la force des humbles.

« Tu ne sais jamais à quel point tu es fort, jusqu’au jour où être fort est ta seule option ». Toi qui m’as écrit cette phrase, c’est bien cette force intérieure qui t’a permis de soutenir tes proches jusqu’à l’extrême… Cette force fait la grandeur et la beauté de ton être…

Et pourtant, maintenant épuisée, tu fais l’expérience de ta fragilité : toute entière donnée à l’autre, tu n’as pas pu ou pas su prendre soin de toi…

Notre force intérieure est fragile ! Parce que c’est la force de l’amour et non celle de la toute-puissance ; parce que cette force refuse de prendre le pouvoir sur l’autre et choisit de le laisser libre, au risque de l’échec ; parce que cette force n’est pas inépuisable et qu’elle a besoin de se ressourcer comme une batterie doit être rechargée ; parce que je ne peux pas être tout entier donné à l’autre sans prendre soin de moi…

Force qui peut déplacer les montagnes… mais force fragile… C’est la beauté parfois difficile de l’être humain !

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
juillet 2014

 Télécharger l’article en format PDF

Sortir de la culpabilité

Couverture2Pendant une formation, Mathilde, retraitée, raconte comment, à 20 ans, elle a voulu protéger son petit frère en l’empêchant de regarder la télévision. Elle se souvient l’avoir attrapé dans le fauteuil et l’avoir traîné avec violence loin de la télévision. En racontant cela, Mathilde est submergée par une forte émotion, évoquant la répétition fréquente de cette stratégie dans des relations qu’elle voudrait pourtant bienveillantes. Quelques jours après, elle m’écrit la prise de conscience qu’elle vient de faire : « J’ai pris conscience de cette culpabilité récurrente qui me fait ressasser mes échecs relationnels parce que je mets en place des actes violents alors que je souhaite des relations empreintes de bienveillance réciproque. » J’ai écrit ceci à Mathilde :

La prise de conscience que tu as faite est importante pour toi : tu as découvert que ton intention était juste – protéger ton petit frère -, mais que la stratégie était violente quand tu as éloigné ton frère de la télévision. Cette distorsion entre ton intention et la stratégie employée a généré de la culpabilité qui se réactive dans de nombreuses autres relations… depuis plus de 40 ans !

Cette prise de conscience a déjà transformé ta tristesse en enthousiasme. Il suffit que tu sois vigilante et que tu continues, « d’écouter plus loin chez moi », comme tu l’écris si bien. Certaines de tes réactions vont changer toutes seules. Tu y sentiras un goût de liberté. Et quand tu auras la tentation de retomber dans les réactions du passé, tu pourras parfois t’arrêter. D’autres fois, tu recommenceras comme avant : ne t’en désole pas ! La « rééducation » prend du temps, on ne se défait pas d’un seul coup des stratégies du passé devenues des automatismes.

Chaque fois que tu te sens coupable, cherche l’intention positive derrière l’erreur !

L’enjeu, c’est de tenir ensemble deux postures différentes : d’une part garder la fermeté : elle fixe des repères et des limites, elle refuse ce qui peut détruire, elle manifeste son désaccord, elle dénonce l’injustice, elle exerce l’autorité légitime qui nous est confiée… et d’autre part et dans le même temps la bienveillance qui favorise des relations sincères où l’autre se sent reconnu et valorisé.

Ces deux postures sont-elles contradictoires ? Oui quand, centrés sur notre seul intérêt, nous jugeons la personne au lieu de dénoncer l’acte ; et la fermeté se transforme en violence.

Ces deux postures sont complémentaires : la fermeté et la bienveillance sont comme les deux jambes qui permettent de tenir en équilibre et d’avancer. Un jour, des élèves adolescents en grande difficulté me parlaient d’un professeur dont ils se moquaient en disant : « C’est un bouffon ! Il nous laisse faire n’importe quoi ». Puis ils me parlaient d’un autre professeur qu’ils aimaient bien : « Il est sévère, mais il nous respecte ». Et ils expliquaient : « Sévère, ça veut dire qu’il ne nous laisse pas faire n’importe quoi. Mais il nous respecte parce qu’on peut toujours parler avec lui et il nous fait réfléchir à nos actes. » Fermeté et bienveillance déclenchent alors le respect mutuel et le bien-être relationnel.

Marc THOMAS, Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
Mars 2014

Télécharger cet article au format PDF

Attentes actives

Couverture2Désillusions, déceptions, désespérance… Nos sociétés occidentales habituées à l’aisance et au confort sont plus pessimistes et « dépressives » que celles qui sont habituées à lutter pour leur survie.

Réclamations, revendications, demandes d’assistance… Nous sommes parfois plus enclins à attendre passivement que l’autre ou la société résolve nos problèmes, plutôt que de chercher en nous les ressources et la motivation pour améliorer notre situation…

Et pourtant, nous savons nous investir… Attendre un résultat d’examen ou rechercher un emploi… Chercher à négocier l’issue d’un conflit ou la fin d’une guerre… Attendre la rencontre qui va changer une vie ou le retour de l’être aimé… Attendre la naissance de l’enfant que l’on porte en soi… Ces attentes-là sont loin d’être passives : que de recherches, de préparatifs, d’impatience, de disponibilité… Ces attentes nous projettent tout entier vers le but. Elles peuvent changer toute une vie.

Les rêves de vie meilleure et de paradis ne sont qu’illusion s’ils n’incluent pas une attente active, impatiente, amoureuse. Comment pourrions-nous espérer un monde meilleur sans relever nos manches et nous battre pour la vie humaine ? Comment attendre le bonheur éternel sans l’expérience du bonheur reçu et offert aujourd’hui ? Attente active d’un bonheur qui est déjà parmi nous, donné à l’état de semence : il ne deviendra jamais réalité si nous ne le semons pas dans nos terres humaines et si nous ne nous transformons pas en jardiniers de l’humanité.

Il fut un temps ou l’attente de la fin du monde était telle que la vie présente était dévalorisée. On a même justifié la souffrance des hommes et les malheurs de ce monde en invitant à regarder vers la vie éternelle, comme si on disait : peu importe que tu sois malheureux ici-bas, tu seras heureux dans l’éternité ! Comment pourrions-nous nous contenter de « traverser les champs de bataille les yeux fermés, une rose à la main » ? Face à la souffrance et aux bouleversements, les seules actions dignes de l’homme s’appellent accompagner, être proche et solidaire, guérir, lutter…

Parfois l’angoisse de l’avenir nous étreint. Au risque de leur vie, des groupes humains fuient leur pays, angoissés par la guerre ou par la faim. Des familles en précarité ne croient plus en un avenir possible. Des relations familiales sont compromises par la violence et la haine. Devant ces angoisses qui nous touchent ou qui nous entourent, il n’y a pas de place pour de doux rêveurs, ni pour des bonnes paroles lénifiantes : il faut devenir des combattants de l’espérance.

Les obstacles demeurent, les frustrations aussi. Qui d’entre nous peut dire qu’il ne manque pas toujours un peu quelque chose pour que le bonheur soit complet, même dans le plus grand amour ? C’est dans ce manque même que l’homme s’humanise, trouvant l’énergie d’aller toujours plus loin, tendu vers ce bonheur toujours désiré, jamais possédé. Dans ce monde difficile, la seule manière de croire en l’avenir, c’est de le faire « ad-venir » en chaque geste, en chaque parole, en chaque instant de nos vies.

Marc THOMAS, Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
novembre 2013

PDF1

Je suis un homme libre

Dev-Hum-Couverture1Cet homme raconte le parcours de toute une vie. Il s’était engagé très tôt dans un style de vie et un métier passionnants mais où il s’était vite senti à l’étroit. Après de nombreuses années difficiles, il avait fait le choix de quitter ce qui l’enfermait. Au même moment, il avait cru rencontrer l’amour.

Il dit lui-même que ces changements vécus à presque 50 ans ont constitué un vrai tsunami, avec la nécessité de tout redémarrer à zéro. Quelques mois après, complètement essoufflé, sa santé lui a joué des tours. En même temps, son couple  vivait des tensions difficiles, et son employeur lui annonçait un préavis de licenciement ! Il a fallu faire le choix de se séparer, de vendre la maison où il avait pensé se poser enfin pour construire leur bonheur, et aussi envisager le chômage.

La maison vendue, il s’est retrouvé le premier soir seul dans un petit appartement loué provisoirement. Collé à la fenêtre en regardant la rue, il se sentait dépouillé, décapé. Il pensait à tout ce parcours et à tout ce qu’il venait de perdre. Tout lui semblait vide. Mais de façon tout-à-fait inattendue, une sensation de chaleur a envahi son ventre, puis un souffle est monté dans sa poitrine… Et là, devant sa fenêtre, surgit de l’intérieur une conviction forte et sereine : « Je suis un homme libre ! »  

Il avait tout perdu : la reconnaissance de beaucoup des siens, l’amour qu’il voulait construire, la maison où il croyait s’être enfin posé, et finalement le travail  qui lui avait permis de se relancer. Il avait perdu tout çà… mais il vient de se trouver lui-même : « Je suis un homme libre ». Pour la première fois de sa vie, décapé, il peut devenir l’auteur de sa propre vie.

Quelques mois après, une VAE lui a permis de reprendre des études universitaires : non seulement il a obtenu le diplôme nécessaire à une reconnaissance professionnelle, mais ces études lui ont permis de relire les étapes du passé, de pointer comment ces épreuves lui avaient permis de se rencontrer lui-même et de transformer ces épreuves en ressources intérieures. Il pouvait maintenant vivre libre et construire un avenir qui lui ressemble.

Aujourd’hui, quelques années après, cette sensation de liberté ne l’a pas quitté : il exerce le métier dont il avait toujours rêvé, il se sent pleinement lui-même. Et beaucoup de ceux qui le rencontrent trouvent dans ses paroles et sa manière d’agir une invitation à chercher à leur tour en eux-mêmes leurs propres ressources et à tracer leur route de femmes et d’hommes libres !

Libre… Non pas se libérer de toute contrainte et faire ce qu’il veut quand il veut : cette liberté-là ne serait que caprice ! Libre de trouver en soi le sens et la sincérité, libre de devenir soi au milieu des contraintes de ce monde. Cette liberté là passe nécessairement par des dépouillements à affronter.  Ainsi décapé, il peut enfin construire sa propre vie et aller à la  rencontre des autres comme vers des partenaires, sans peur ni pression.

Cette liberté-là est à ta portée : quand tu te laisses décaper de toutes tes carapaces et de tout ce qui ne te ressemble pas, tu peux t’écouter et croire en toi au milieu des autres !  

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
septembre 2013

Télécharger l’article en format PDF

Prendre soin de soi

Dev-Hum-Couverture1Mon ostéopathe me dit que mon bassin a basculé. Je lui demande pourquoi et il me répond : « Qu’as-tu reçu comme coups de pieds aux fesses ? » Et je me remémore trois situations de ces derniers mois : suite à une grande fatigue et à des paroles mal interprétées, une personne proche m’a dit avoir perdu confiance en moi. De passage chez d’autres proches, j’ai eu l’impression d’être à peine accueilli, d’être le seul à qui on ne demande pas ce qu’il veut faire ou ce qu’il veut manger : c’est comme si je n’existais pas… Dans le contexte professionnel, un de mes partenaires m’a annoncé qu’il cessait la collaboration avec moi sur une mission qui réunissait avec bonheur mes compétences d’hier et d’aujourd’hui.

Ces évènements m’ont fortement touché, et j’ai eu mal. Les douleurs du bassin sont probablement une somatisation liée à la manière dont j’ai vécu ces  évènements où je me sens incompris et rejeté.

Je me suis interrogé sur mon propre comportement dans ces situations. J’ai pointé des maladresses de ma part, mais je ne me suis pas reconnu en faute. Le premier réflexe qui m’est alors venu était de reprocher aux autres leurs comportements et de me poser en victime, avec toutes les ruminations et les aigreurs que cela entraîne.

J’ai laissé passer ce désir de reproches sans m’y attacher et j’ai essayé de vivre ces évènements autrement. Je me suis d’abord dit que ces personnes avaient leurs raisons de réagir ainsi. Des raisons qui leur appartiennent, des réactions qui ne parlent que d’elles, de ce qu’elles ne supportent pas. Je n’ai pas toutes les clefs pour comprendre leur conduite : comment pourrais-je me permettre de les juger ?

J’ai ensuite écouté ce qui me faisait mal : le sentiment d’être incompris et rejeté. J’ai cherché derrière ces émotions négatives les besoins qu’elles révèlent : besoins d’être accueilli, aimé, apprécié, pris en compte. Besoins bien légitimes, même si je sais que leur insatisfaction fait parfois déborder mes émotions. D’autres à ma place auraient vécu ces évènements avec plus de détachement et de juste distance. J’ai toujours à apprendre à canaliser mes émotions !

J’ai senti le risque de me lamenter sur moi-même, d’y perdre la confiance en moi en m’accusant de mon incapacité à trouver la juste distance. Jadis, je cédais à cette spirale destructrice : j’avais alors pour moi-même les mêmes attitudes que j’avais envie de reprocher aux autres : je ne pouvais pas m’accueillir, je me rejetais, je rêvais d’être autre, et donc je n’existais pas vraiment à mes propres yeux. Quand j’ai si mal de l’attitude des autres, est-ce ma propre dévalorisation qui se réveille ?

J’ai donc choisi de consentir à être ce que je suis, avec mes talents, mes aspirations, mes limites et mes débordements. Cela prend du temps. C’est un choix à refaire tous les jours et qui ne m’empêche pas de souffrir et de somatiser : mes douleurs corporelles et mon ostéopathe m’aident à éliminer les souffrances intérieures.

Mais ce consentement me permet de rester fidèle à mes convictions… de retrouver la sérénité et la bonne distance… de comprendre ceux qui sont confrontés à des situations difficiles… et de reprendre le contact et le dialogue quand les relations restent délicates. Avec un peu de travail sur soi, ce cheminement est à la portée de tous !

Marc THOMAS, Consultant Formateur en Compétences relationnelles
août 2013

Télécharger l’article au format PDF

« Nul n’est blessé par un autre que lui-même »

Couverture2Cette phrase est écrite par le philosophe grec Epictète au 1er siècle. Bien sûr, je ne l’applique pas aux enfants abusés, ni aux femmes battues ou violées, ni à toute autre victime de comportements violents ou pervers !

Par contre, dans un certain nombre de tensions relationnelles ou de situations d’incompréhension, je crois que ce n’est pas d’abord l’autre qui nous blesse, mais nous qui ne savons pas nous protéger et qui nous laissons atteindre. Et nous nous sentons blessés !

Blessés par une parole dite par un proche, et pourtant celui-ci n’avait pas l’intention de faire mal. Mais ce qu’il dit réveille en nous une émotion ou une souffrance venue d’ailleurs et qui restait sensible. Ce n’est pas lui qui m’a blessé, c’est moi qui me suis senti blessé.

Blessés, nous devenons agressifs envers l’autre : l’agressivité vient quand nous-mêmes nous ne sommes pas bien ou que nous n’avons pas trouvé la manière de nous protéger devant une situation difficile.

A l’inverse, blessés lorsque quelqu’un nous agresse : nous pourrions nous dire que son agression ne parle que de lui et de son mal-être, car il aurait pu nous dire son désaccord ou son refus sans être agressif. Si nous sommes blessés, c’est que nous avons pris pour nous une accusation qui ne parle pourtant que du mal-être de l’agresseur.

Blessés dans des situations de conflits, quand nous nous épuisons à convaincre l’autre qu’il se trompe, et que l’autre en fait autant, quand nous nous acharnons à vouloir prouver que nous avons raison et qu’il a tort. Nous accusons l’autre de nous avoir fait du mal, alors que c’est d’abord notre acharnement qui nous a blessés.

Nous pouvons remplacer cet acharnement par l’acceptation de la différence de points de vue, choisir d’écouter le point de vue de l’autre, lui demander d’écouter le nôtre, proposer de chercher ensemble un compromis sans perdant. Même s’il n’accepte pas, nous serons moins blessés parce que nous aurons eu une attitude plus constructive.

Blessés par les jugements que nous portons sur l’autre, toutes les accusations qui fusent si vite en situation de tension. D’autres fois, c’est la peur du jugement de l’autre qui nous fait nous taire. Et nous ruminons en silence, nous installant dans le rôle de la victime blessée par l’incompréhension, le manque de reconnaissance, la soumission….

Nous pouvons décider une fois pour toutes de renoncer à tout jugement sur l’autre et sur nous-mêmes, de lâcher toutes les ruminations et ressentiments qui ne font qu’amplifier notre malaise comme une avalanche. Nous pouvons laisser à l’autre les jugements qu’il porte sur nous, et remplacer nos reproches et nos silences par des paroles en « je » : dire sans agressivité ce que nous pensons et ressentons, ce dont nous avons besoin, ce que nous demandons ou refusons…

Alors nous ne pourrons peut-être pas changer l’autre, car cela n’est pas en notre pouvoir. Mais nous changerons de place dans la relation : renonçant à prendre la place de la victime, nous choisirions de faire face, vrais avec nous-mêmes et devant l’autre… Nous ne nous blesserons plus nous-mêmes, nous déclencherons plus facilement le respect.

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
avril 2013

Télécharger au format PDF

Intelligence des sens

Dev-Hum-Couverture1Quand j’étais au collège et que j’avais du mal à m’exprimer, mes professeurs me rappelaient la phrase du poète Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire en viennent aisément. » Autrement dit, il faudrait d’abord clarifier ses idées dans sa tête avant de les exprimer.

Ceci peut se concevoir dans une démarche philosophique ou littéraire. Mais notre éducation nous a souvent faire croire qu’il fallait aussi appliquer cette maxime à nos questionnements personnels ou à l’expression de nos ressentis. Et beaucoup d’entre nous, dans le flou de leurs questions ou dans le débordement émotionnel, ont pensé qu’il valait mieux se taire tant que les choses n’étaient pas claires dans leur tête.

Pas étonnant alors que nous nous enfermions dans nos pensées quand le moral est en berne, et que nous nourrissions les rancœurs à l’intérieur plutôt que d’exprimer nos malaises. Ainsi le silence s’installe, les tensions intérieures nous rongent… et « les mots pour le dire », non seulement ne viennent pas aisément, mais ne viennent plus du tout.

Pour nos questionnements personnels et nos émotions, je préfère remplacer cette maxime de Boileau par une autre, écrite par le grand philosophe grec Aristote :

« Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens. » Le vieil Aristote avait déjà retourné les choses dans le bon sens : nous sommes des êtres de chair et de sang. Nous avons cinq sens qui sont autant d’antennes et de canaux de communication entre notre monde intérieur et notre environnement.

Ce qui passe d’abord par nos sens, nos sensations, nos ressentis… construit notre intelligence et notre réflexion. En premier vient l’attraction ou la répulsion, une sensation de bien-être ou de malaise, un sentiment de joie, de peine ou d’inquiétude… Poser des gestes d’amour, s’émerveiller… Tout cela passe d’abord par nos sens pour rejoindre notre intelligence. Celle-ci se nourrit de nos perceptions, de nos sensations et de nos sentiments pour les comprendre et nous faire réagir avec la bonne distance…

Il en est de même pour la parole : si tu t’interroges sur toi-même, si tu es traversé d’émotions, n’attends pas de comprendre ou d’être calmé pour parler : ça ne marchera pas ! Seuls tes balbutiements et les mots qui jaillissent de tes sensations peuvent te permettre de décoder ce qui t’arrive et de clarifier tes idées. A condition que ces mots parlent de toi, et non des rancœurs vis-à-vis des autres.

Notre intelligence commence dans notre plexus solaire, lieu de nos émotions, et va jusqu’au cerveau, lieu de la réflexion. Quand le plexus et le cerveau sont disjonctés, balbutie les mots qui te viennent, pour dire ce que tu ressens, sans reproches ni violence : ils rétabliront la communication entre tes sensations et ton intelligence.

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
janvier 2013

 Télécharger l’article en format PDF

Besoins vitaux

Dev-Hum-Couverture1Nous sommes en forme et plein d’énergie lorsque nos besoins vitaux sont suffisamment satisfaits ou lorsque nous nous avons la motivation d’aller en chercher la satisfaction. Je vous propose donc vous propose de partir à la recherche de vos besoins vitaux, et d’en prendre soin. Les besoins dont je parle ne sont pas des envies passagères, encore moins des caprices. Mais des besoins vitaux qui ont besoin d’être satisfaits, au moins partiellement, pour que nous tenions debout. Abraham MASLOW a défini 5 grands besoins :

  • besoins physiologiques (manger, boire, respirer, dormir, faire quelque chose de sa sexualité…) pour survivre ;
  • besoins de sécurité (physique, psychologique, économique…) pour apprivoiser mes peurs et me sentir protégé ;
  • besoins sociaux et relationnels (appartenir à son clan, à sa famille, aimer et être aimé, créer des amitiés, des solidarités…) à l’inverse de tous les rejets et des toutes les exclusions, pour être en lien ;
  • besoin d’être reconnu, valorisé (m’entendre dire que j’existe aux yeux de l’autre, que j’ai des capacités, que je ne suis jamais réduit à mes erreurs) et développer l’estime de soi et la confiance en soi ;
  • besoin d’épanouissement (vivre mes passions, me sentir à ma place, réussir à construire et à créer une vie qui me ressemble) pour devenir ce que je suis.

Ces besoins vitaux ne sont pas négociables :

  • trop insatisfaits, ils nous font souffrir, déprimer, nous renfermer… et nous nous déshumanisons ;
  • partiellement frustrés, ils peuvent déclencher de l’agressivité si nous en rendons les autres responsables, mais nous pouvons choisir de transformer cette agressivité en motivation pour aller chercher par nous-mêmes ce qui nous manque ;
  • suffisamment satisfaits (jamais totalement sinon nous serions « repus » !) ils font de nous des êtres debout, équilibrés, créatifs, heureux de vivre… et donc ouverts aux autres !

Pourtant, nous ne pouvons pas exiger de l’autre qu’il satisfasse toujours nos besoins : nous le transformerions alors en objet ou en esclave de ces besoins. Nous ne pouvons pas satisfaire nos besoins sans tenir compte des contraintes du quotidien… Si nos besoins ne sont pas négociables, la manière de les satisfaire est toujours le résultat d’une négociation avec le réel de notre quotidien et de nos relations.

Satisfaire nos besoins est de notre responsabilité. C’est pourquoi il est nécessaire de prendre soin de nous. Je disais cela récemment à une amie de 70 ans angoissée pour des personnes de son entourage, au point de ne plus en dormir. Elle m’a répondu : « Prendre soin de moi ? Je n’ai jamais pensé à cela pour moi ! » Elle gardait tout en elle, jusqu’à l’oppression, l’insomnie, et même jusqu’à ne plus supporter les autres. Ce soir-là, elle a commencé à prendre soin d’elle, en mettant des mots sur ses angoisses. Et le lendemain matin, elle m’a dit avoir dormi d’une seule traite…

Prenez soin de vous… et les autres en bénéficieront !

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
décembre 2012

Télécharger l’article en format PDF

Travaux en amont

Dev-Hum-Couverture1Invité à témoigner de « La pratique de la Communication Non Violente » devant un groupe, Chantal m’interroge : « Je rencontre souvent une personne qui me met dans tous mes états. Je me dis toujours avant qu’il faut que je me contienne, mais chaque fois c’est pareil, j’explose. Que faire quand je suis en sa présence pour garder mon calme ? »

D’abord, Chantal, vous voyez bien que vos bonnes résolutions de vous contenir ne marchent pas. Et si ça marchait, vous en sortiriez tellement stressée que vous exploseriez plus fort ailleurs !

C’est en amont qu’il faut faire des grands travaux ! Ici à la Réunion, quand viennent les grosses pluies ou les cyclones, les eaux ne peuvent s’évacuer des Hauts vers la mer que si les services de voirie ont anticipé les crues : c’est avant le cyclone qu’ils ont dégagé les ravines de tout ce qui les obstrue, qu’ils ont aménagé des caniveaux profonds et des canalisations pour guider l’eau vers le bas sans déborder sur les terres habitées ou cultivées. Personne ne peut dévier la trajectoire du cyclone, mais une bonne analyse du terrain et du cyclone permet de canaliser les trombes d’eau pour s’en protéger.

Dans une relation interpersonnelle cyclonique ou déstabilisante, c’est aussi en amont que des travaux sont à faire en vous. Ces travaux ne sont pas guerriers : il ne s’agit pas de fuir, ni de revêtir une armure, ni de vous armer pour écraser l’autre. Ces travaux ne sont pas à faire sur l’autre : il ne s’agit pas de l’accuser, de le juger, d’exiger qu’il change…

Chantal est visiblement intéressée, mais elle reste dubitative : « Oui, je comprends, mais comment faire ces travaux en moi ? Où sont les outils pour creuser les dérivations et dégager les bouchons ? »

Je vous propose deux outils : d’abord dites non au jugement sur l’autre et aussi sur vous («Je suis nulle… Je devrais pouvoir… Il m’agresse… Il n’a pas le droit de… »). Remplacez cette attitude qui juge par une attitude qui accepte, qui analyse pour chercher à comprendre : qu’est-ce que ça me fait ?  qu’’est-ce que je ne supporte pas ? Qu’est-ce qui me met dans des états pareils ?

Deuxième outil : laissez parler votre mémoire émotionnelle : en quelles autres circonstances je réagis comme ça ? Qu’est-ce que ça me rappelle ? Quelle blessure enfouie est ravivée dans cette rencontre ? Et là, par la parole qui nomme, faites ces travaux de déblaiement et de canalisation de ce qui a pu déborder et qui risque de déborder encore à la prochaine rencontre.

Car ce qui vous fait exploser, ce n’est pas l’attitude de l’autre… L’autre n’est qu’un déclencheur qui fait sauter les vannes de cet insupportable qui vous habite, depuis bien longtemps parfois…

Il vous reste à prendre la pelle et la pioche de la parole partagée pour travailler en vous, avec délicatesse, jusqu’à trouver la juste distance où vous serez moins submergée à la prochaine rencontre.

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
septembre 2012

Télécharger l’article au format PDF