Archives de catégorie : AFFIRMATION DE SOI

Comment fait-on pour APPRENDRE à S’AIMER SOI ?

Question d’une amie… Question de tant et tant de personnes…
Merci à toi qui m’as posé la question de m’avoir donné, en te répondant,
l’occasion et la permission de le partager à d’autres !

CHERCHER LA PÉPITE DERRIÈRE LA DOULEUR

Ton visage portait la souffrance… Tu étais fatiguée, déprimée…
Je t’ai proposé de chercher ce qui se cachait derrière ta souffrance,
et derrière cette posture de victime qui ne te convenait pas.
Et tu as osé nommer des mots précis,
exprimant ta richesse intérieure à toi, unique et spécifique,
ton désir, celui qui ne parle que de toi…

Nous l’avons appelé ta « pépite », qui surgissait alors du fond de toi
où elle était bien enfouie pour se protéger de la violence subie…
Cette « pépite » qui habite chacun de nous
et que jamais aucune souffrance ne peut détruire !

Aussitôt ton visage s’est illuminé…
Tes proches l’ont remarqué dans les heures suivantes.
Et tu m’as dit plus tard que tu prenais plaisir à te regarder dans le miroir…
S’aimer soi, ça doit ressembler à ça !!!

APPRIVOISER TON LOUP

Chacun de nous porte en lui un « loup ». J’appelle « loup » ce qui me fait souffrir, ce qui risque de me faire sombrer, cette force destructrice, de moi ou de l’autre, qui risque souvent de me conduire à des paroles ou à des actes contraires à mes valeurs…

Souvent nous nous battons contre notre « loup »,
nous voulons le faire taire, nous le prenons en haine…
Si tu te bats, contre un loup, tu es sûr de perdre, et il va te croquer !
La seule solution pour rester vivant, c’est de l’apprivoiser.

Apprivoiser ton loup, c’est à dire l’accueillir…
Accueillir ce qu’il ne sait pas encore dire autrement que par la violence ou la souffrance…
Peut être ce loup n’a jamais été écouté…
Lui demander de te dire sans violence de quel message il est porteur
et l’écouter à  travers ton ressenti et tes intuitions…
L’écouter car il n’est que la face cachée ou l’inverse  de ton être profond…
comme la « pépite » est l’inverse de ta souffrance…
Ton loup est la nuit qui va mettre en valeur ta lumière.
Tu t’aimeras toi quand tu aimeras aussi ton loup (mais pas la souffrance ni la violence),
quand tu l’auras apprivoisé…

TROUVER LES RELATIONS QUI TE CONVIENNENT

Tu peux t’aimer ou te détester
selon les contextes relationnels dans lesquels tu te trouves.
Il y a des contextes relationnels
où tu te sens bien, à l’aise, en confiance,  où tu oses être toi-même…
Et d’autres contextes relationnels
où tu n’es pas bien, tu perds confiance, tu te dévalorises…
Dans ce dernier cas, ne te juge pas, ne juge pas l’autre non plus,
mais demande toi ce qui te convient à toi,
ce dont tu as besoin pour être toi-même, et ce qui t’en empêche…

Nous sommes comme les poissons :
certains ont besoin d’eau de mer, d’autres ont besoin d’eau douce.
Certains ont besoin d’eaux vives, d’autres ont besoin d’eaux calmes…
Et toi de quel climat relationnel as-tu besoin pour être toi?

Pour t’aimer toi-même, sors de ta coquille
sinon tu ne verras de toi qu’un être recroquevillé et donc tout fripé !
Pour t’aimer toi-même, laisse-toi aimer par celles et ceux qui sont sans risque pour toi.
Ose leur parler car c’est en parlant à l’autre que tu te comprends,
et c’est en parlant que tu deviens ce que tu dis…
Chaque fois que tu te mets à parler, tu avances !

Quand tu as trouvé le bon contexte relationnel,
quand tu sens des relations de confiance et de respect,
ose la relation, aime l’autre, et aime-toi…

Aime-toi en aimant l’autre !

Bien à toi…
Marc                         Téléchargez cet article en pdf                                    mthomas@competences-relationnelles.com

Pour poursuivre, relis ce très beau texte attribué à Charlie Chaplin :
« Le jour où je me suis aimé pour de vrai »

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Quand nos affects nous empoisonnent…

Dans des relations de couple, en famille, dans les équipes de travail, les « affects » sont souvent des occasions de tensions relationnelles et de souffrance : « s’il regarde une autre femme que moi, je suis jalouse… Si ma femme ou mon mari rentre en retard, c’est qu’il ne fait pas attention à moi… Si mes enfants adultes n’ont pas les mêmes avis que moi, c’est qu’ils ne me respectent pas… Si mon chef ou mon collègue ne m’a pas transmis une information, c’est qu’il ne m’aime pas et qu’il veut m’éliminer… »…

Ces « affects » ne sont pas des ressentis, mais des ressentiments, c’est-à-dire des réactions émotionnelles qui interprètent et jugent un comportement de l’autre à partir de ce que ça me fait, et non à partir de ce que l’autre a réellement voulu faire. Ce sont des « ressentis-ment », des ressentis qui « mentent » : quelle que soit l’intention de l’autre et sans m’en préoccuper, je le juge parce que moi j’ai mal.

Ces affects-ressentiments sont du poison relationnel : ils détruisent à petit feu les relations interpersonnelles, les vies de couples, les coopérations d’équipe et leur efficacité, et finalement la motivation et la santé des personnes. Dans les contextes professionnels où ces affects négatifs pullulent, les congés maladie augmentent de façon significative, et la démotivation grandissante se traduit en inefficacité.

Un Directeur de CCAS disait récemment avoir organisé une formation à la Communication bienveillante et à l’affirmation de soi pour son équipe de professionnels. Résultats : 20% de congés maladie en moins, une plus grande motivation de ses personnels, une qualité et une efficacité du travail amélioré, et le plaisir à venir au travail en raison de la bonne ambiance dans l’équipe. Pourquoi se priver de cela en restant dans les récriminations ?

Ce travail sur la confiance en soi coupe le cercle vicieux des affects, en nous  permettant de prendre en compte mes ressentis et ce qu’ils disent de moi et non de l’autre !

La communication peut alors redevenir bienveillante, c’est-à-dire sereine et constructive, même en situation de désaccord. Parce que je distingue ce que je ressens et qui ne parle que de moi, et ce que l’autre fait : je peux alors écouter ce qu’il dit de lui et de ses actes, et je peux lui dire ce que ça me fait, sans confusion. Ainsi s’ouvre un espace de dialogue et de négociation où chacun se respecte lui-même et respecte l’autre.

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
mars 2017

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Ecouter sa musique intérieure

Et comment il faut faire pour écouter sa musique intérieure?

Il s’agit d’abord d’écouter ce que tu ressens face aux situations de la vie, ces ressentis qui te viennent spontanément : amour, joie, tristesse, peur, colère, espoir, etc.

Les accueillir tels qu’ils viennent, sans les juger, sans te noyer dedans…
Les accueillir comme un langage qui parle de toi et des vrais besoins de ton être intérieur.
Tu peux lire ici l’article que j’ai écrit à ce sujet.

Je n’ai jamais osé aller voir ce qu’il y a, par peur de trouver rien ou bien quelque chose qui ne me plait pas du tout ou me force a changer quelque chose de fondamental… Il faut avoir le courage d’être sincère.

Quand tu « vas voir ce qu’il y a », en accueillant tes émotions et tes besoins,
il y a toujours quelque chose de bon :
C’est la « pépite » que chaque être humain porte en lui comme un diamant,
comme la lumière pour éclairer son chemin et ses choix…

Tu trouveras souvent cette pépite
cachée derrière ce qui te fait mal, ce qui te bloque, ce qui te met en mal être…
Parce que ces souffrances disent que quelque chose de très important pour toi (des valeurs, le sens de ta vie, tes capacités…) est blessé ou enfermé ou maltraité…
Et en prenant soin de ce qui est blessé, tu vas trouver le chemin et l’énergie de vivre.

Cela ne te forcera pas à changer quelque chose de fondamental, comme tu l’écris,
mais cela te donnera le désir et le bonheur de changer ton regard, tes choix, tes postures, et tu expérimenteras une force de libération…

Pour parvenir à cela, il faut parfois pouvoir parler avec quelqu’un de confiance, car en parlant, je mets des mots sur ce que je ressens, et dans l’écoute de l’autre, je me sens conforté…

Bien à toi !    Marc

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
juin 2017

DEVENIR SOI sans s’évader du quotidien

Devenir moi…
Me mettre à l’écoute de moi-même…
Partir à la recherche de mon être intérieur…
C’est une belle et nécessaire démarche…

Mais elle comporte un risque :
celui de me retirer en moi et d’en faire ma priorité,
ou de courir de stages en expériences spirituelles ou ésotériques,
me mettant comme hors du monde,
en attendant de savoir qui je suis vraiment…
Comme s’il fallait sortir de l’expérience humaine quotidienne pour devenir humain !

Pendant que vous plongez en vous ou vous laissez emporter dans l’irréel,
la vie continue, le temps passe, et vous risquez de vous réveiller vieux
sans avoir vraiment vécu ni construit ce que vous portiez en vous !

Et si, tout en gardant quelques moments de retrait
et de « nourriture » spirituelle ou humaniste,
nous consacrions l’essentiel de notre temps
à vivre pleinement et avec sincérité la réalité du quotidien,
à nous confronter aux évènements du monde pour y apporter notre pierre,
à construire le monde par notre travail et nos engagements,
à vivre des relations simples, tendues ou constructives…

Si nous vivons vraiment,
nous pouvons bien sûr retourner de temps en temps à nos sources,
« débriefer » avec des proches, en accompagnement ou en formation
pour capitaliser les acquis, entendre les questionnements,
tirer les leçons des erreurs… et repartir ressourcés au contact du réel !

Car c’est aussi et peut-être d’abord en me confrontant à la réalité du quotidien,
et en « donnant corps » à des projets concrets qui me ressemblent
que je découvre qui je suis…
Ce que je porte en moi, parfois de façon confuse, va se clarifier
quand je vais oser traduire ce que je pense, ce que je ressens et ce dont j’ai besoin
dans des mots concrets et dans la réalité quotidienne…
Plutôt que de rester dans mes rêves,
c’est en faisant mes choix dans la réalité du quotidien
que je vais devenir moi-même
.

Si tu attends d’avoir clairement défini ton identité pour te mettre à vivre,
tu ressembles à un enfant
qui attendrait d’avoir trouvé son équilibre pour se mettre à marcher :
or c’est en balbutiant ses premiers pas et en se relevant de ses chutes
qu’il devient fort jusqu’à courir très vite !

N’oublie jamais qu’un être humain ne se sent jamais autant lui-même
que lorsqu’il a réussi à traduire dans le concret les rêves qu’il porte en lui

Amis qui cherchez qui vous êtes, nourrissez-vous de vos introspections,
mais ne vous échappez pas au 7ème ciel !
Plongez très vite vos introspections dans la vie réelle,
comme on plonge les semences en pleine terre :
c’est la seule manière de les faire germer et porter fuit !

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
décembre 2016

 Ecrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com

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Trouver l’attitude juste en situation difficile

160709-montreux-25Les trois personnes dont je vais décrire l’histoire ci-dessous sont des personnes formées à la Communication Non Violente et entraînées depuis des années à gérer des conflits dans leur vie personnelle, sociale, professionnelle… Ils en connaissent les méthodes et les outils. Et pourtant, dans les situations décrites ci-dessous, elles sont toutes déstabilisées….                                (Les prénoms sont des prénoms d’emprunt)

FABRICE
La directrice  de Fabrice a pris une décision unilatérale. Elle la maintient malgré l’avis du Conseil d’Administration, au mépris d’un fonctionnement démocratique où ce n’est jamais le chef qui fait la loi tout seul. Sa directrice le convoque pour lui faire un rappel de la loi qu’elle a décidée et qu’il ne respecte pas. Il décide de résister en écoutant sans réagir. Mais devant l’attitude dictatoriale de sa directrice, il sent monter la colère : en sortant, il est furieux. Il décide donc de rassembler toutes les bonnes volontés pour s’opposer, pour lutter contre la tyrannie. Sa furie le conduit à emprunter un langage guerrier et à envisager des modalités de revanche. Malgré ses compétences en Communication bienveillante, il découvre qu’il utilise les mêmes armes que sa Directrice : la colère, la volonté de vaincre à tout prix. Les autres participants à la formation le confortent dans le fait de dénoncer une décision unilatérale et illégitime, mais lui font remarquer que la décision prise par la Directrice porte sur des comportements qui méritent discussion et négociation. Fabrice ajoute, comme une interrogation qu’il s’adresse à lui-même : « C’est vrai, pas un instant, je n’ai pensé à négocier. » Il refusait à juste titre une décision arbitraire et non concertée, mais il n’a pas pensé à écouter les raisons qui avaient poussé sa directrice à prendre cette décision, et il n’a pas pensé non plus à lui expliquer les raisons de sa résistance. Parce qu’il était furieux et que sa furie le conduisait à vouloir gagner quoi qu’il arrive.

VALENTINE
Les collègues de Valentine l’ont déléguée pour aller négocier avec la responsable d’équipe des disponibilités et congés dont le règlement intérieur stipule qu’elles sont au choix des agents. De façon autoritaire, la responsable règle le problème pour Valentine toute seule et ignore son statut de représentante de ses collègues. Les collègues sont là mais ne disent rien : peut-être ont-elles peur de la réaction de la responsable. Pourtant Valentine qui les représente sait habituellement gérer les tensions entre des adolescents, des parents, des organisations ou institutions. Et le formateur lui fait remarquer qu’elle avait deux outils simples sur lesquels elle pouvait s’appuyer pour trouver la bonne posture : elle pouvait solliciter la parole de ses collègues ; elle pouvait aussi faire appel à la Loi, au règlement intérieur écrit définissant la liberté sur laquelle se fondait la demande.  Comment se fait-il donc qu’elle ne peut pas utiliser ses compétences? Elle explique : « J’étais scotchée, je suis partie sans rien dire, et sans regarder mes collègues. » Quelle résonance intérieure et émotionnelle a donc été plus forte que les compétences de négociatrice de Valentine pour la conduire à être tétanisée de la sorte devant l’autorité ou écartelée entre l’autoritarisme de sa responsable et la solidarité avec ses collègues ?

YVON
Yvon ne supporte pas l’injustice. Il s’investit dans de nombreuses situations où les droits des plus faibles sont bafoués. Dans une association dont il est membre et administrateur, il assiste depuis plusieurs années à ce qu’il décrit comme des « magouilles » couvertes par le copinage, de la rétention d’information, des manipulations financières frauduleuses. Il hésite beaucoup sur la posture à adopter : stopper son investissement et prendre de la distance avec  une association dont le fonctionnement ne correspond pas à ses valeurs et à son éthique ? Dénoncer les magouilles et les délits ? Demander carte blanche pour rétablir la situation, ceci incluant son refus de collaborer avec deux personnes de l’association qu’il décrit comme « parasites » ? Les participants de la formation lui font remarquer que sa demande de « carte blanche » le conduisant à exclure des personnes  ressemble à des attitudes qu’il dénonçait lui-même dans le fonctionnement associatif. Quelques minutes après, Yvon interpelle le groupe : « Alors les seuls vrais conflits sont à l’intérieur ? » Il découvre que le véritable conflit n’est pas entre lui et l’association, mais qu’il s’agit d’un conflit en lui-même, entre trois postures qui ont toutes leurs avantages et leurs inconvénients… Et que sa posture est encore plus délicate du fait de son attachement affectif à l’objet de cette association dont il est le fondateur…

QUI QUE TU SOIS…
Si tu veux traiter des conflits et œuvrer à la réconciliation dans les familles, au travail ou dans la vie sociale, il est certes nécessaire que tu acquières des compétences de gestion de groupe, de garant de la Loi, d’écoute, d’empathie, de communication et de négociation… Cela demande du travail et de l’exercice. Mais n’oublie jamais que ces compétences ne suffisent pas : ce sont d’abord tes réactions qu’il s’agit d’écouter, d’accueillir, d’interroger, de canaliser pour qu’elles se transforment en postures justes.

Fabrice, si tu es furieux aujourd’hui, cette « furie » parle de toi bien plus que ta Directrice qui n’a fait que la déclencher. Nous savons tous qu’un même évènement ou une même parole peut déclencher chez l’un de la révolte, chez l’autre de la colère, chez un troisième du silence ou de la soumission… Toutes ces réactions ne parlent que de nous… Mais d’où vient donc ta furie ?

Valentine, si tu te sens « scotchée » et tétanisée, ou écartelée, l’autoritarisme de la responsable n’en est que le déclencheur… La vraie cause, c’est ce qui est touché en toi qui t’empêche de trouver la bonne posture… C’est peut-être aussi que la situation d’aujourd’hui réveille d’autres situations antécédentes où tu t’es sentie écrasée devant l’autorité ou écartelée entre plusieurs personnes…

Yvon, si tu es en conflit entre toi et toi, entre différentes parts de toi qui te tirent dans des directions opposées, ce n’est pas en ruminant sur les personnes injustes que tu trouveras la solution. Certes tu peux lutter avec d’autres pour un monde plus juste, mais c’est en écoutant et accueillant tes contradictions et la part de vérité et de valeurs dont chacune est porteuse… C’est aussi en débusquant derrière chacune les éventuels règlements de compte sur lesquels tu serais heureux de triompher sur l’autre…

Dans la même formation, Sandrine évoquait ces deux forces qui la tiraillent souvent : la rebelle, et la conformiste. Elle y voyait des contradictions qui ne rendent pas les choix faciles ni les postures à prendre évidentes…

Sandrine, mais aussi Valentine, Fabrice, Yvon, et moi aussi Marc…
et vous tous, lectrices et lecteurs…

Si ces contradictions étaient les deux extrémités de l’arc
dont la tension permet à la flèche de s’envoler ?
Si ces contradictions donnaient naissance à la vigueur de notre élan ?

Quoi qu’il en soit… c’est toujours en nous, dans nos ressentis et dans nos besoins,
que nous trouverons les postures justes dans toutes les situations de la vie…
Raison de plus pour prendre soin de nous !

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
novembre 2016

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Satisfaire tes besoins : à toi de jouer !

Combien de fois j’entends des personnes dire : « J’ai besoin qu’IL me reconnaisse et qu’IL me rassure… J’ai besoin qu’IL m’écoute, qu’IL me comprenne… J’ai besoin qu’IL ne m’agresse pas… » Lorsque nous disons des phrases de ce style, nous choisissons de faire dépendre de l’autre la satisfaction de nos besoins. Nous nous mettons dans une posture de dépendance du bon vouloir de l’autre. Nous remettons à l’autre les clefs de notre bien-être…

Combien de fois j’entends des reproches et des plaintes du genre : « Elle n’a même pas pensé à moi… Elle n’en fait qu’à sa tête… Elle pourrait quand même se rendre compte que… » Et nous nous enfonçons alors dans la plainte, l’aigreur, les récriminations… jusqu’aux aigreurs d’estomac, jusqu’à amplifier notre propre blessure à force de la ressasser. C’est ce que j’appelle le phénomène de l’avalanche qui part d’une petite plaque qui se détache, ramasse et ressasse tout ce qu’elle trouve sur son passage, jusqu’à devenir une énorme masse qui détruit tout…

Combien de fois j’entends des injonctions du style : « Cessez de m’agresser !… Écoutez-moi !… Laissez-moi tranquille !… Vous devriez me comprendre… » Dites le plus souvent sur un ton agressif à une personne qui nous résiste, comment pouvons-nous imaginer que ces personnes vont se soumettre à nos exigences ? Cette attitude où nous donnons des ordres à l’autre ressemble à un élastique que l’on tend pour aller claquer sur l’autre et qui revient nous claquer nous-mêmes sans atteindre l’autre, nous laissant encore plus insatisfait qu’avant.

Combien de fois chacun de nous utilise ces stratégies ? Nous savons pourtant que ces stratégies ne marchent pas et produisent la plupart du temps l’effet inverse de celui que nous recherchons : elles ne font qu’amplifier la tension relationnelle, l’agressivité réciproque, les reproches et les jugements… Elles nous laissent de plus en plus insatisfaits et amers, et finissent par agrandir nos blessures intérieures et pourrir nos relations.

Dans ces conditions, nous sommes comme les habitants d’une case fragile et fissurée qui ignoreraient ces fragilités et rendraient le cyclone ou la tempête responsable de la destruction de la maison… Et qui seraient jaloux de ceux qui, ayant consolidé leur maison et verrouillé toutes les ouvertures, sont sortis du cyclone sans trop de dommages.

Pour sortir « debout » des tensions relationnelles ou des tempêtes quotidiennes, il est nécessaire de cesser de récriminer contre les vents contraires venus de l’extérieur et de commencer par renforcer notre stabilité intérieure. Cesser d’attendre de l’autre qu’il satisfasse nos besoins, et assumer notre dignité : lorsque nous serons convaincus que la satisfaction de nos besoins est de notre seule responsabilité, nous pourrons alors fixer nos propres objectifs et moyens, et aller négocier avec l’autre : nous lui adresserons alors des demandes avec délicatesse, dans le respect de sa liberté et de ses propres besoins.

Plutôt que de demander à l’autre de te rassurer, commence par te demander pourquoi tu te sens si souvent dans l’insécurité : tu pourras alors laisser grandir en toi la sécurité et les protections qui pourront te rassurer. Tu sauras mieux reconnaître autour de toi ceux qui peuvent t’apporter le réconfort dont tu as besoin

Plutôt que de reprocher à l’autre sa méfiance ou son attitude déstabilisante, commence par te demander pourquoi tu perds si vite ton équilibre : tu pourras alors chercher en toi la force intérieure et faire grandir la confiance en toi. Et tu sauras choisir dans tes relations celles qui peuvent se vivre dans la confiance.

Plutôt que de reprocher à l’autre de t’énerver, commence par te demander pourquoi ce qu’il fait te touche tant : tu pourras alors rester en toi sans être happé par l’autre et trouver en toi la juste distance avec ses agissements. Et tu sauras trouver autour de toi les personnes saines et sereines qui nourriront ta propre sérénité.

Tu me diras peut-être que c’est facile à dire, et je t’entends déjà me demander : « oui, mais comment on fait ? »

D’abord, accepte de lâcher tes attentes et tes exigences sur l’autre, tes récriminations et tes injonctions, et porte le regard sur toi, avec bienveillance. Tu verras que ce simple changement de regard et de posture produit immédiatement une détente et un début de sérénité.

Attention aux fausses pistes : d’abord ne t’accuse pas et ne te dévalorise pas  en pensant : « je n’y arriverai jamais… j’en suis incapable… » Comment sais-tu que tu en es incapable tant que tu n’as pas essayé ?! Regarde toi avec bienveillance : discerne ce qui reste fragile et demande-toi par quels moyens tu peux solidifier ce qui est fragile, cicatriser ce qui est blessé, laisser croître la confiance et la sérénité.

Autre fausse piste : ne te contente pas de construire des protections extérieures. Certes il faut parfois se protéger de situations dangereuses et de personnes toxiques. Mais Il ne s’agit pas  de t’enfermer dans une armure, de prendre les armes, ni de construire des barrières pour t’isoler des autres. Il s’agit de laisser croître en toi la sécurité, la confiance en toi, la force d’être et de vivre. Elles sont semées en toi depuis le jour de ta conception : comme les plantes au printemps, elles ne demandent qu’à se développer si tu prends soin d’elles, si tu jardines ta terre intérieure, si tu sais l’irriguer aux sources claires et rafraîchissantes de ton unité intérieure plutôt qu’à l’acidité de ton aigreur.

Pour faire ce travail, cherche des alliés : des personnes positives qui ont confiance en toi, des activités de loisirs qui te permettent de vivre tes passions, des lectures nourrissantes, des apprentissages qui te seraient utiles, un accompagnement personnel si nécessaire…

Et si tu souhaites poursuivre la réflexion commencée ici, tu peux lire cet autre article intitulé : « En toi est la source de ce qui te manque ». J’ai essayé d’y ouvrir quelques pistes concrètes pour accompagner la recherche et le « jardinage » de tes ressources intérieures.

Oui ! En toi est la source de ce qui te manque ! Pars à la découverte !

Lire aussi : En toi est la source de ce qui te manque

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
août 2016

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Traverser l’émotion jusqu’au besoin

Les émotions sont un chemin qui transporte, un torrent qui déborde, un tunnel qui engloutit, un envol qui élève

Chemin, torrent, tunnel, envol : sans eux nous restons figés devant l’obstacle ; avec eux, nous traversons… Ce sont les chances  des émotions, jusqu’aux plus grandes énergies !

Transporter, déborder, engloutir, élever : avec cela, nous risquons de ne plus rien maitriser… Ce sont les risques des émotions, jusqu’aux plus grands bouleversements !

Les émotions sont notre réaction première et légitime aux évènements, aux rencontres, aux relations : nous ne commençons jamais par comprendre, nous commençons toujours par ressentir. Notre intelligence est d’abord émotionnelle : les ressentis déclenchent nos réactions, mais aussi notre pensée. Les émotions sont le premier langage de l’être humain.

Mais si nous restons dans l’émotion, nous risquons de nous y noyer : la peur conduit à l’agression, la colère à la violence, la tristesse à la déprime, et même parfois la joie conduit à l’inconscience. Sans canalisation, l’émotion devient un torrent indomptable et destructeur.

Même dans les contextes plus faciles, avec nos proches ou nos collègues, nous risquons parfois de noyer l’autre dans le courant de nos émotions. La relation en reste aux affects envoûtants ou tendus, mais elle ne construit rien. Or l’émotion n’est pas un lieu où l’on reste ; elle est un lieu où l’on passe pour aller à l’essentiel : les besoins à affirmer et à partager, les demandes à oser exprimer et à négocier.

L’émotion est d’abord un message pour moi-même, me permettant de me situer dans ce qui m’arrive. Elle n’est partagée que si nécessaire et dans un contexte où l’affectif peut s’exprimer. Il est même des contextes où l’émotion sera tue pour aller directement affirmer notre besoin, parce que ce n’est pas le lieu de « mettre son cœur sur la table », ou parce qu’il y aurait danger à s’exposer à la manipulation de l’autre.

Canaliser l’émotion, c’est l’accueillir là où elle jaillit, dans le cœur et dans les « tripes », prendre le temps de la ressentir et de la nommer… Mais si nous restons là dans l’affect, notre émotion n’aura pas rempli sa mission et il y a bien des chances pour qu’elle retombe et nous laisse dans la fatigue ou le regret. Canaliser l’émotion, c’est dans un deuxième temps articuler les « tripes » et le cœur avec la tête et le cerveau pour comprendre le message de l’émotion. Il s’agit d’identifier son origine ou ses causes, de reconnaître le déclencheur à l’extérieur de nous, de nommer ce qui a été touché en nous et de l’associer à d’autres émotions déjà vécues… Canaliser, c’est garder ainsi toute l’énergie de l’émotion, permettre à notre conscience pensante d’en irriguer tout notre être, nos paroles et nos gestes et de la transformer en énergie humanisante.

Ce travail de canalisation nous conduit plus loin encore : il s’agit de traverser l’émotion dans toute son épaisseur et sa force pour y découvrir un besoin vital.

Un besoin vital de sécurité satisfait quand je me sens rassuré sur ma santé, mon emploi ou le devenir de mes enfants… Un besoin vital de relations satisfait quand je ressens la joie des retrouvailles fêtées, le bonheur des amitiés ou des amours vécus… Un besoin vital de reconnaissance satisfait quand je ressens le plaisir de recevoir des appréciations positives de mon chef ou de mes proches… Un besoin vital d’accomplissement satisfait quand je ressens la fierté de la réussite ou la réalisation de mes projets… Traverser l’émotion dans toute son épaisseur pour découvrir au plus profond de moi des besoins satisfaits qui me tiennent debout, équilibré et me font devenir moi-même au milieu des autres

Mais aussi à l’inverse un besoin vital de sécurité insatisfait quand la maladie, la perte d’emploi ou l’échec me font ressentir l’incertitude, me confrontent au risque non maîtrisé… Un besoin vital de relations insatisfait quand je ressens comme une blessure l’agression, la trahison, la rupture… Un besoin vital de reconnaissance insatisfait quand je me sens touché par les reproches, les jugements, surtout s’ils me paraissent injustes… Un besoin vital d’accomplissement insatisfait quand je me sens déchiré par l’échec et le désespoir… Comment canaliser ces émotions douloureuses et destructrices, comment les traverser ?

SILENCE ET DÉNI SONT TOXIQUES

Parfois nous pensons qu’il faut se taire et ravaler nos émotions, et nous disons : « J’encaisse… ». Et pourtant, nous en connaissons le résultat : ayant encaissé, nous ruminons notre douleur comme un acide qui nous ronge de l’intérieur et nous conduit à la déprime, au désespoir, à la violence contre nous-mêmes et contre l’autre… Nous sommes restés dans l’émotion, nous n’avons pas traversé l’émotion jusqu’au besoin et nous n’avons donc pas cherché les moyens de satisfaire ce besoin. Nous sommes restés dans un bain toxique d’émotions et nous nous retrouvons exsangue…

Parfois, quand nous voyons des proches bouleversés d’émotion, nous pensons les aider en niant ces ressentis : « Tu n’as pas besoin d’avoir peur pour cela… » ou encore face à quelqu’un en colère : « Calme-toi, il n’y a pas de raison… » ou encore à un enfant : « Arrête de pleurer, tu es ridicule ! » Or, quand c’est nous-mêmes qui sommes dans la peur, la colère ou les larmes, nous savons bien que ce genre de paroles de déni ne fait qu’amplifier notre malaise, parce que nous ne nous sentons pas compris et accueillis dans notre malaise. Et quand nous-mêmes nous prononçons ces phrases de déni, soi-disant pour calmer et rassurer, c’est plutôt parce que le malaise de l’autre nous perturbe, soit que nous ne sachions pas quoi lui dire, soit que sa peur ou sa colère déclenche notre propre peur. Loin d’aider et de calmer, ce déni des ressentis est comme un déni de la personne dans ce qu’elle vit sur le moment. Car les ressentis qui nous traversent sont toujours vrais ; ils ont toujours des raisons d’être qu’il faut mettre au jour ; ils manifestent toujours des besoins insatisfaits qu’il faut nommer.

ACCUEILLIR ET TRAVERSER POUR CANALISER

Ce qui est écrit ci-dessous sur la manière d’accueillir l’émotion de l’autre, je peux aussi me l’appliquer à moi-même lorsqu’il s’agit d’accueillir et de canaliser ma propre émotion…

D’abord accueillir les ressentis : face à la colère, je ne vais plus dire à l’autre ou à moi-même : « Calme toi, il n’y a pas de raison ». Je vais dire au contraire : « C’est quoi ta colère ? » ou  » Qu’est-ce qui te fait peur ? » ou « Je te sens excédé (ou meurtri, ou triste ou…). » Et je vais laisser l’autre exprimer les raisons de sa colère ou de sa peur.

Je peux tout écouter, sauf les éventuelles insultes ou violences qu’il projetterait sur moi. Je peux tout écouter, même si je ne suis pas d’accord avec lui parce que ça vient de ses propres interprétations, même s’il me semble avoir donné trop d’importance à quelque chose qui me paraît être un détail. Surtout je ne vais pas l’interrompre en lui disant qu’il se trompe. Car en me disant sa colère ou sa peur, il ne me dit pas l’objectivité des faits et des situations : il est en train de me dire comment il a vécu cette situation, ce que ça lui a fait, ce que ça a réveillé en lui… Et parce qu’il est différent de moi, il est légitime qu’il n’ait pas vécu cette situation de la même manière que moi.

La plupart du temps, en exprimant les raisons de sa colère ou de sa peur, la personne se calme ou se rassure elle-même parce que je la laisse vider le trop-plein qui rendait la situation insupportable pour elle. Elle se calme elle-même, parce que mon écoute lui permet de refaire le lien entre son cœur et sa tête : l’émotion qui la débordait empêchait sa tête de penser. Quand je l’invite à parler de ses ressentis, elle commence à balbutier car pour trouver les mots, elle fait appel à sa capacité à analyser et à penser. Ce faisant, elle rétablit le lien entre son cœur qui déborde et son cerveau qui peut à nouveau tenir son rôle de tour de contrôle et faire son travail d’analyse et de mise à distance. C’est ainsi que les affects commencent à se canaliser.

Lorsque les ressentis ont été accueillis et exprimés, il reste à les « traverser » pour rejoindre la rive des besoins insatisfaits. Récemment, François, un participant à une formation, disait avoir été blessé par la réaction de son père : quand il avait voulu dire à son père qu’il choisissait un métier d’informaticien, son père lui avait répondu : « Être toute la journée derrière un ordinateur, ce n’est pas un métier ! » François s’est senti profondément blessé, au point que plusieurs années après, il ne parle toujours pas métier avec son père.

Poursuivant la discussion avec François, je lui demande en quoi cette remarque de son père – dont il savait qu’il n’approchait jamais un ordinateur – l’a si fort blessé. François me regarde, une émotion monte sur son visage et dans sa voix, et il me dit : « Parce que  l’informatique, c’est ma passion ». Sa passion, son besoin, la manière dont il s’accomplit… « Si la remarque de ton père t’a tant blessé, c’est parce que ça touchait ton besoin d’accomplissement. »  » Mais oui, c’est vrai, » me dit François, « j’en rêvais depuis toujours, de l’informatique… alors que pour mon père l’ordinateur est un objet qu’il ne connaît pas et dont il a peur. » Reconnu dans son besoin, ce fils est même capable pour la première fois d’accueillir le ressenti de son père qui l’avait tant blessé.

Un peu plus tard dans la journée, François reviendra me dire ceci : « En plus, mon père était agriculteur, et quand j’habitais chez lui, j’étais le seul de ses enfants à participer aux tâches agricoles… Alors mon père a toujours espéré que je reprendrais la ferme ! » Ayant nommé son propre besoin et sa passion, ce fils peut maintenant accueillir et reconnaître le besoin déçu de son père qui aurait tant voulu transmettre sa passion à son fils…

Traverser l’émotion jusqu’au besoin, jusqu’à identifier le besoin qui a déclenché cette émotion… et donc ensuite trouver les moyens concrets d’affirmer la légitimité de ce besoin et de le satisfaire.

Ça y est, vous n’avez plus peur de vos émotions et vous savez quoi en faire ?
Entraînez vous… Vous allez grandir de l’intérieur et tenir debout !

Lire aussi : Que faire de mes émotions ?

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
août 2016

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Que faire de mes émotions ?

Nous entrons en relation avec l’autre d’abord par nos émotions : la joie de se retrouver, l’élan, le sourire, les gestes d’affection ou d’amitié… ou bien  la peur, la méfiance, les crispations et raidissements, les cris, les larmes, la colère, la rancœur…

Parfois, un simple regard suffit à nous rassurer ou à nous déstabiliser ; un mot de travers suffit à nous atteindre et à nous mettre dans tous nos états, alors qu’un signe de compréhension peut nous détendre…

Dans les désaccords et les tensions relationnelles, l’agressivité surgit rapidement, avec son caractère contagieux. Agresser, c’est toujours rendre l’autre responsable de mon ressenti difficile ou de l’atteinte qui m’a blessé. Et la violence des mots ou des gestes surgit quand les ressentis blessés de chacun ne sont plus sous contrôle et sont projetés sur l’autre comme des armes.

Comment faire pour éviter ces dérives d’agression et de violence ? Et que faire de nos émotions ?

LES FAUSSES PISTES du silence et de la violence

Certains pensent qu’il faut cacher ses ressentis, se taire et faire le gros dos. Mais cette intériorisation de nos ressentis nous pourrit la vie, se transforme souvent en récriminations qui nous font « macérer » dans l’aigreur, parfois jusqu’au mal-être, à la maladie, au burnout… Et les ressentis que nous avons fait taire restent tapis en nous, prêts à rejaillir douloureusement à la prochaine occasion. Alors il débordent, non à cause de la situation nouvelle, mais à cause de tout ce qui est resté accumulé des précédentes et qui a pourri en nous ! Ou bien ils nous ligotent et habillent de méfiance et de peur chacune des situations à risque ou des relations difficiles. Ou encore ils nous endorment quand nous cherchons dans l’alcool et la drogue des échappatoires mortifères.

D’autres transforment leur ressentis en reproches et en jugements sur l’autre : « Tu m’as blessé… C’est de ta faute… Tu n’as pas le droit… Tu te moques de moi… Tu ne vaux rien… ». Parfois jusqu’à l’insulte et à l’injure, et jusqu’à la violence. Souvent en les démultipliant, par du « ladi lafè » comme disent les réunionnais : des rumeurs que l’on colporte en racontant à notre entourage tout le mal que l’autre nous a fait… Cela ne fait qu’amplifier la colère intérieure et la tension dans la relation : mes reproches à l’autre enclenchent souvent les reproches de l’autre sur moi, et les jugements entraînent d’autres jugements… C’est la stratégie de l’avalanche : plus je ressasse et répète mes reproches et mes accusations, plus ils s’augmentent des commentaires de mes partisans et plus je les amplifie jusqu’à qu’ils occupent tout le terrain et finissent pas tout envahir. Tout cela ne fait qu’abîmer la relation, jusqu’à la détruire, et parfois jusqu’à se détruire mutuellement ou à s’en vouloir encore des années après. Douze meurtres depuis 6 mois dans des relations amoureuses à la Réunion !

CANALISER MES RESSENTIS

Il n’y a qu’une solution pour canaliser mes ressentis : les accueillir comme un message sur moi ou un signal d’alerte pour moi. Mes ressentis ne parlent pas de l’autre ni de ce qu’il m’a fait, ils ne parlent que de moi et de ce que la situation a déclenché en moi : de la joie, de l’espoir, de la tristesse, de la colère, de la peur… Accueillir et écouter ce que ces émotions me disent de moi. Choisir de prendre soin de moi et m’interdire d’en faire des armes pour accuser l’autre. Accueillir et écouter mes ressentis car ils sont toujours vrais, en ce sens qu’ils surviennent sans ma réflexion ni ma volonté, et qu’ils ont toujours des raisons de survenir.

Déguster mes ressentis positifs et m’en nourrir parce qu’ils sont le signe que mes désirs, mes attentes et mes besoins sont satisfaits.

Écouter et prendre soin de mes ressentis négatifs comme on prend soin d’une blessure physique pour qu’elle cicatrise. Plus j’accuserais l’autre de m’avoir blessé en ressassant ma colère, plus j’écarterais ma plaie et plus elle me ferait mal. Mais je peux prendre soin de ce ressenti  douloureux et l’accueillir :

  • en désinfectant la plaie : débarrassé des accusations sur l’autre, je peux me soigner moi-même. Reconnaître d’abord ce qui parle de moi qui n’ai pas pu me protéger, ce que ça réveille en moi comme fragilité ou comme autre blessure ancienne non cicatrisée. Reconnaître ensuite sans jugement ce que je ne peux pas accepter dans les paroles ou les actes de l’autre et les lui « rendre », sans forcément lui en parler, mais en refusant de me laisser polluer par quelque chose qui ne m’appartient pas.
  • en identifiant les vraies causes de ces ressentis douloureux : les vraies causes ne sont jamais l’autre, ni ce qui s’est passé : ceux-ci ne sont en effet que des déclencheurs. Les vraies causes sont toujours en moi : une de mes valeurs qui a été bafouée, un besoin vital insatisfait ou blessé, une impossibilité de me protéger…
  • en trouvant les moyens de restaurer mes valeurs, de satisfaire mes besoins, de me protéger davantage. Non pas d’abord en demandant à l’autre de changer, mais en me renforçant moi-même : en nourrissant mes valeurs, en cherchant comment satisfaire mes besoins par moi-même, ou par des relations plus saines et plus sereines, en apprenant à me protéger des agressions comme on apprend à se protéger du froid, de la chaleur et de tous les risques de la vie quotidienne.

Tes émotions et tes ressentis t’appartiennent : ils sont une parole vraie de ton être profond ! Ne les transforme pas en armes contre toi en les ressassant ou contre l’autre en l’accusant. Accueille-les, écoute-les, laisse venir à toi leurs messages : bienfaisants ou douloureux, ils parlent toujours de vie à protéger et à faire grandir, de peurs à apprivoiser, d’espoirs à réaliser…

Lire aussi : Traverser l’émotion jusqu’au besoin

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
août 2016

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Lâcher prise

Photo-couverture600Françoise (prénom d’emprunt) participe à une formation destinée à retrouver du sens et à oser être soi-même. Elle me rappelle qu’elle a déjà participé au début d’une autre formation avec moi, mais qu’elle est partie le midi du premier jour car elle ne supportait pas de voir tous les autres participants « pleurnicher parce qu’ils ne savent pas dire non, car moi, continue-t-elle, j’ai appris à être forte et je sais dire non… »

Pendant la première matinée, Françoise exprime son doute que la formation lui fasse trouver du sens à sa vie et intervient beaucoup, interrompant les autres pour leur donner des conseils pour se défendre contre les agresseurs, disant qu’elle, elle sait être forte en toutes circonstances… Plusieurs fois je tente de cadrer et de canaliser les prises de paroles de Françoise. A la pause elle m’invective : « Dans toutes les formations, je me sens bien, sauf dans les vôtres, car vous m’empêchez de parler et vous me frustrez ». Je lui exprime la nécessité pour moi de garantir la parole de tous dans le groupe, et j’ajoute : « Tant que vous parlerez si souvent pour conseiller les autres, je pense que vous ne réussirez pas à trouver le sens de votre vie » « Et pourquoi ? » me dit-elle vivement. « Car pour trouver le sens de sa vie, il faut d’abord écouter et accueillir ce que votre être intérieur a à vous dire. Plus vous parlez des autres, moins vous pouvez vous entendre ».

Françoise est quand-même revenue l’après midi, sans changer beaucoup de posture, exprimant toujours son doute sur « vos capacités à me faire trouver le sens de ma vie ». Je lui rappelle que c’est à elle d’aller le chercher et que je ne peux que lui proposer des « outils » pour se mettre à l’écoute d’elle-même. Elle répète plusieurs fois que « pour s’en sortir dans notre monde et au travail, il faut être fort,  faire face et ne pas se laisser déstabiliser. » Les autres l’interrogent sur sa méthode et elle répond : « Moi je ne me laisse pas faire et je réponds du tac au tac ». Le ton dur à tonalité agressive ne convainc personne…

Le lendemain matin, Françoise est revenue. Chaque participant est invité à exprimer ce qui lui a tourné dans la tête et le cœur depuis la formation de la veille. Françoise prend la parole pour dire qu’elle n’a toujours pas trouvé le sens de sa vie.

Une de ses collègues, Clotilde (prénom modifié) l’interrompt : « Eh bien moi j’ai trouvé hier le sens de ma vie. Depuis des années je me sentais anormale, parce que je n’avais pas envie ni besoin de faire des projets pour changer ma vie, parce que je n’avais pas envie d’acheter toutes les nouvelles choses qui paraissent… Je me disais que je n’étais pas comme les autres, et j’étais triste. Hier le formateur m’a accompagné dans la découverte suivante : je n’ai pas besoin de faire toujours plus de choses, ni d’avoir toujours plus, mais je suis heureuse de la vie que j’ai dans la simplicité, sans avoir besoin de courir après des bonheurs artificiels… Alors quand le formateur m’a demandé ce qui me rend heureuse comme ça, et quels sont ces besoins satisfaits qui font mon bonheur, j’ai répondu : j’ai besoin d’être dans la sérénité, de l’ancrer en moi. J’ai découvert hier que mon bonheur n’est pas dans le faire, ni dans l’avoir, mais dans l’être. » Et Clotilde ajoute : « Hier soir, j’en ai parlé à mon mari tellement j’étais contente. Et je lui a dit : ça fait dix ans que je vais chez le psy pour comprendre pourquoi je ne suis pas comme les autres et pour tenter de devenir normale, et grâce à quelques questions, j’ai mis le doigt sur mon bonheur d’être ce que je suis, et j’ai retrouvé le sens de ma vie. » Émotion des participants…

Est-ce ce témoignage qui va ouvrir une première brèche chez Françoise ? Quand je lui redonne la parole là où elle avait été interrompue (elle disait n’avoir toujours pas trouvé le sens de sa vie), avec sa verve habituelle, elle dit pourtant quelque chose de tout neuf : « Vous savez je suis forte au travail, tout le monde me voit forte… mais quand je rentre chez moi, je ne suis plus forte du tout… » Son visage change. Je lui propose de continuer. « Par exemple, j’avais juré à mon chien que je serais auprès de lui jusqu’au bout de sa vie. Quand il s’est retrouvé sur la table du vétérinaire, je ne sais pas ce qui m‘a pris : je suis sortie sans réfléchir. Vous voyez je ne suis pas forte, au contraire j’ai été lâche. » Et le visage de Françoise est crispé.

Nous avions convenu en début de formation qu’il n’y aurait aucun jugement de porté, ni sur les autres, ni sur nous-mêmes, car les jugements ne résolvent jamais rien et ne font qu’aggraver les situations.

Je propose donc à Françoise de retirer ce jugement sur elle-même. Elle résiste, affirmant sa grande lâcheté. Je lui dis : « si vous vous jugez, vous ne saurez jamais pourquoi vous n’avez pas pu rester jusqu’au bout auprès de votre chien. » Regard étonné, puis humide. « Vous êtes-vous déjà demandée, Françoise, ce qui vous a poussé à partir ? » Françoise qui parlait tant et à tout propos n’a plus de mot. Ses larmes coulent : elles semblent vider une souffrance… Enfin Françoise s’interroge elle-même, sans jugement, et j’entends dans s bouche : « Pourquoi ? » Je vois dans son regard vers moi un appel. Me branchant sur la souffrance que je ressens, je lui suggère : « C’était trop dur ? » Ses larmes coulent davantage : « Oui je n’ai pas pu, j’avais trop mal, je n’étais pas assez forte pour supporter cela, j’étais trop faible ». Percevant un nouveau jugement sur elle-même dans ce mot « faible », je lui dis : « Vous n’étiez pas faible, vous vous sentiez peut-être seulement fragile, blessée, touchée au plus profond.. Et rester était au-delà de vos forces. »

Les larmes de Françoise continuent à couler. Elle dit : « Depuis 10 ans, je n’ai jamais pu pleurer. Depuis la mort de mon père, jamais de larmes. J’aurais voulu lâcher, mais je n’y arrivais pas… » Je dis à Françoise : « Peut-être vous êtes-vous réfugiée derrière la force d’une armure, mais aujourd’hui vous venez de découvrir une part de vous que vous ne connaissiez pas : la fragilité de tout être humain, les limites du supportable… Vous êtes en train de devenir vous-mêmes, à la fois forte et fragile et le mélange des deux va vous permettre de tenir debout toute seule : plus besoin d’armure extérieure ! A la place, la force intérieure, la force souple et fragile vous permettra enfin de vivre plus sereine. »

Françoise pleure toujours, sans arrêter. Elle sort de la salle, son amie la rejoint. Le groupe qui a été témoin de tout cela a besoin aussi d’une pause. Quelques minutes après, Françoise vient vers le groupe et dit : « Je pleure mais c’est du bonheur, je pleure parce que ça vient de lâcher… Oh merci ! Vous le formateur qui m’énerviez tant hier, vous m’avez permis ça ! » Je lui réponds : « Je vous ai canalisée hier par respect pour le groupe, mais aussi parce que je pensais que c’était la seule solution pour que vous vous mettiez à l’écoute de vous-même… »

Tout le reste de la journée, Françoise était épuisée, mais son visage rayonnait. L’épuisement de quelqu’un qui vient de vider une tension de plusieurs années. L’épuisement de quelqu’un qui vient de lâcher la tension du bras de fer qu’elle avait engagé avec la vie… Il va lui falloir quelques jours pour découvrir en elle, à travers cette fatigue et cette détente, la souplesse et la sérénité que donne l’alliance réconciliée de la fragilité et de la force intérieure.

Alors Françoise, le sens de ta vie ? !!!
Et vous amis lecteurs, où vous êtes-vous reconnus ?
Dans quelle part de vous êtes-vous touchés par cette histoire ?

Marc THOMAS, Consultant formateur en « Compétences relationnelles »
juin 2016

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Avant de publier cet article, je l’ai envoyé à « Françoise » pour lui demander son accord. Après l’avoir lu, elle m’a écrit cette très belle lettre (en bleu) et je lui ai répondu en insérant mes réponses (en gris) dans son texte :

Je vous remercie de prendre de mes nouvelles.
Quand je lis ce texte, et bien les larmes coulent.
Je suis bien, très zen, relaxée                c’est très bon signe !

Je ne saurai jamais comment vous remercier. Je suis encore étonnée de ce qui s’est passé. Comme vous l’aviez dit, peut être que j’étais enfin prête ?             oui

Je ne crois pas au hasard mais au destin, et le destin a fait que je vous ai croisé.
Je ne sais pas pourquoi je suis restée à la formation et pourquoi je suis revenue le lendemain. Je ne me l’explique pas.
Mais quel bonheur de l’avoir fait : même un psy n’aurait pas fait mieux en bon nombre d’années.
Votre être intérieur en partie inconscient sait pourquoi vous êtes restée à la formation et il a été assez « fort » (d’une vraie force, bien différente de celle que vous connaissiez avant !) pour vous guider dans votre décision de rester.

De temps en temps je repense à la situation, le mot lâcheté revient mais je le chasse aussitôt et repense à ce que j’ai réussi à dire
Ne chassez pas ce mot de « lâcheté », accueillez le même avec bienveillance comme on accueille un enfant blessé… Mais soignez le en continuant à écouter et à chercher ce qui se cache derrière ce jugement sur vous : et ce qui s’y cache est probablement la découverte d’une vulnérabilité à accepter, d’une souffrance ancienne à cicatriser, d’une fragilité à accepter pour qu’elle vienne assouplir vos raideurs…

Oui je suis forte mais j’ai mes limites. j’ai tout fait pour rendre heureuse ma chienne et malheureusement je n’ai pas pu l’accompagner jusqu’au bout car j’étais seule, sans défense, choquée
Voila déjà une parte de ce qui se cache derrière ce que vous jugiez avant comme une lâcheté : votre solitude, votre vulnérabilité sans défense, un choc qui parle non seulement de la disparition de votre chienne mais aussi d’une blessure en vous…

Je ne m’en veux plus. Je suis enfin en paix. Que c’est bon !
Donc vous avez déjà abandonné le jugement pour vous accueillir avec bienveillance

Je ne vous oublierai jamais et j’espère que l’on pourra se retrouver dans une autre formation. Bon, je serai toujours aussi « chiante » mais lorsque vous me recadrerez, je n’aurais plus la même attitude de renfermement, de vexation, de frustration.

Vous m’avez beaucoup appris. C’est incroyable, VOUS êtes incroyable
Ce que j’ai fait pour vous ne tient pas à je ne sais quel pouvoir magique ni talent exceptionnel : c’est seulement la conséquence d’une posture que j’ai apprise : l’écoute avec le cœur qui à la fois cherche à discerner la blessure derrière les raideurs et les jugements, et canalise et parfois refuse les débordements…Si vous apprenez à vous écouter vous-mêmes, puis à accueillir l’autre sans jugement ni conseil, vous deviendrez progressivement capable de vivre la même attitude…

Le texte est magnifique, bien sûr utilisez le !       « Françoise »

N’aie pas peur d’avoir peur… de la relation

LA PEUR DE LA RELATION…

Dans ces situations où je me compare à l’autre et où je ne me sens pas à la hauteur… Ou quand j’ai peur de blesser l’autre ou de le décevoir… Et encore quand je rumine les reproches et jugements qui m’ont fait si mal… Dans ces situations aussi de compétition permanente… Quand l’un de nous veut prendre le pouvoir ou avoir raison… Quand je me soumets au désir ou au besoin de l’autre parce que j’ai peur d’être abandonné ou rejeté…

Les situations que je viens d’évoquer ne méritent pas le nom de « relations ». Elles sont des liens qui ligotent, des enfermements qui asphyxient, des poisons qui détruisent. Si tu n’es pas toi-même, tu n’es plus dans la relation mais dans la soumission ou la domination.

Qui dit relation dit autonomie dans l’échange, liberté de choix, partage dans le respect… Pour créer ce genre relation ou chacun peut être lui-même et s’enrichir de l’autre, deux pistes incontournables :

D’abord oser être soi-même, comme décrit dans la partie sur la peur de soi. En cas de tension ou de conflit dans une relation, cesser de parler de l’autre, quitter le registre des reproches et des jugements. Parler de moi, non pas pour dire que j’ai raison et qu’il a tort, mais pour dire ce que je vois, ce que je ressens, ce dont j’ai besoin, ce que je demande, ce que je propose, ce que je refuse… Cela me permet d’exister dans la relation sans nier l’autre ni l’accuser.

Ensuite me protéger des reproches et des jugements de l’autre, et de son agressivité. Apprendre à s’en protéger en découvrant que les reproches et les jugements qu’il m’adresse ne parlent que de lui, de son mécontentement, de son stress, de ses insatisfactions. Apprendre que la colère peut être justifiée, mais qu’elle parle d’abord de celui qui est en colère, de ce qu’il ne supporte pas ou n’accepte pas… Chercher derrière les reproches que l’autre m’adresse, non pas d’abord ce que j’ai fait, mais d’abord en quoi lui est blessé et qu’est-ce que ça dit de lui… Sans agressivité et sans je me justifier, libéré de la peur, je ne me sentirai plus enfermé par ses jugements… car moi seul sait qui je suis et ce que je peux offrir à l’autre dans le cadre d’une relation de liberté et de respect…

N’aie pas peur de ta peur !
Cherche derrière ta peur le désir d’être toi-même et les chemins de la liberté.

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
2 avril 2016

Écrire à l’auteur : mthomas@competences-relationnelles.com

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