Prendre soin de soi

Dev-Hum-Couverture1Mon ostéopathe me dit que mon bassin a basculé. Je lui demande pourquoi et il me répond : « Qu’as-tu reçu comme coups de pieds aux fesses ? » Et je me remémore trois situations de ces derniers mois : suite à une grande fatigue et à des paroles mal interprétées, une personne proche m’a dit avoir perdu confiance en moi. De passage chez d’autres proches, j’ai eu l’impression d’être à peine accueilli, d’être le seul à qui on ne demande pas ce qu’il veut faire ou ce qu’il veut manger : c’est comme si je n’existais pas… Dans le contexte professionnel, un de mes partenaires m’a annoncé qu’il cessait la collaboration avec moi sur une mission qui réunissait avec bonheur mes compétences d’hier et d’aujourd’hui.

Ces évènements m’ont fortement touché, et j’ai eu mal. Les douleurs du bassin sont probablement une somatisation liée à la manière dont j’ai vécu ces  évènements où je me sens incompris et rejeté.

Je me suis interrogé sur mon propre comportement dans ces situations. J’ai pointé des maladresses de ma part, mais je ne me suis pas reconnu en faute. Le premier réflexe qui m’est alors venu était de reprocher aux autres leurs comportements et de me poser en victime, avec toutes les ruminations et les aigreurs que cela entraîne.

J’ai laissé passer ce désir de reproches sans m’y attacher et j’ai essayé de vivre ces évènements autrement. Je me suis d’abord dit que ces personnes avaient leurs raisons de réagir ainsi. Des raisons qui leur appartiennent, des réactions qui ne parlent que d’elles, de ce qu’elles ne supportent pas. Je n’ai pas toutes les clefs pour comprendre leur conduite : comment pourrais-je me permettre de les juger ?

J’ai ensuite écouté ce qui me faisait mal : le sentiment d’être incompris et rejeté. J’ai cherché derrière ces émotions négatives les besoins qu’elles révèlent : besoins d’être accueilli, aimé, apprécié, pris en compte. Besoins bien légitimes, même si je sais que leur insatisfaction fait parfois déborder mes émotions. D’autres à ma place auraient vécu ces évènements avec plus de détachement et de juste distance. J’ai toujours à apprendre à canaliser mes émotions !

J’ai senti le risque de me lamenter sur moi-même, d’y perdre la confiance en moi en m’accusant de mon incapacité à trouver la juste distance. Jadis, je cédais à cette spirale destructrice : j’avais alors pour moi-même les mêmes attitudes que j’avais envie de reprocher aux autres : je ne pouvais pas m’accueillir, je me rejetais, je rêvais d’être autre, et donc je n’existais pas vraiment à mes propres yeux. Quand j’ai si mal de l’attitude des autres, est-ce ma propre dévalorisation qui se réveille ?

J’ai donc choisi de consentir à être ce que je suis, avec mes talents, mes aspirations, mes limites et mes débordements. Cela prend du temps. C’est un choix à refaire tous les jours et qui ne m’empêche pas de souffrir et de somatiser : mes douleurs corporelles et mon ostéopathe m’aident à éliminer les souffrances intérieures.

Mais ce consentement me permet de rester fidèle à mes convictions… de retrouver la sérénité et la bonne distance… de comprendre ceux qui sont confrontés à des situations difficiles… et de reprendre le contact et le dialogue quand les relations restent délicates. Avec un peu de travail sur soi, ce cheminement est à la portée de tous !

Marc THOMAS, Consultant Formateur en Compétences relationnelles
août 2013

Télécharger l’article au format PDF

Symphonie

Couverture2Sept petites notes, pas une de plus. Rien que sept notes : do-ré-mi-fa-sol-la-si, tout simplement, avec leurs nuances, de dièse en bémol… Mais que de combinaisons possibles à l’échelle des octaves, au génie de l’artiste. Sept notes, chacune unique, originale, en chaînes infinies, pour autant de mélodies toujours nouvelles jouées sur tous les instruments.

Ainsi les hommes aux multiples couleurs du corps et du cœur, comme autant de notes uniques, originales. Ainsi la vie de chacun, mélodie enchaînant les graves et les aigus sur tous les rythmes. Ainsi l’humanité, orchestre symphonique où chaque instrument est à la fois indispensable et insuffisant.

Vivre : devenir soi en découvrant sa propre note, en l’accueillant sans regretter les autres ; toute la mélodie serait « court-circuitée » si ma note venait à manquer, ou si je pensais devoir avoir la même tonalité que tout le monde.

Comment trouver la note juste sans diapason ? Car la justesse vient d’ailleurs : dans la vie comme en musique, c’est en écoutant que je m’ajuste. Les plus beaux instruments s’accordent fréquemment.

Puis viendra le temps de déchiffrer la partition encore inconnue : elle ne sera musique que par mon interprétation : jouer ma partition pour « enchanter » le monde.

Vivre : laisser passer ma note originale par les vibrations et les résonnances de mon corps et de mon être. Et transformer ma note originale en musique dont je suis l’instrument. Instrument à vent, à cordes ou à percussions ? Lyre délicate ou cymbale sonore ? Je n’ai pas choisi mon instrument, pas plus que mon sexe ni ma taille ! Il s’agit d’abord de me laisser apprivoiser par cet instrument reçu en héritage, de me familiariser avec sa sonorité et ses règles, avec ses possibilités et ses limites, puis de « faire mes gammes », prenant ma place au milieu des vivants. Alors un jour imprévu, au détour d’une expression personnelle, surgira une création ! Les plus belles improvisations sont pétries de travail.

Vivre : entrer dans la symphonie, dans le concert de l’humanité : harmoniser nos instruments et nos partitions, écouter les autres voix pour pouvoir chanter juste, choisir de suivre le même rythme, sous la baguette d’un chef d’orchestre. Alors, tour à tour ou ensemble, chaque instrument donne toute sa mesure, celui-ci apaisant, celui-là éclatant ; ceux-ci accompagnant le soliste qui, sans eux, n’aurait pas de corps ; ceux-là dialoguant en des sonorités diverses et complémentaires. Ou encore solistes dont la voix s’élève pour appeler en écho la réponse du chœur. Tour à tour foisonnement et paix, gravité et légèreté. Heureuses différences !

Tout homme est mélodie. Toute vie est appelée à être mélodieuse. L’humanité en marche est symphonie.

Marc THOMAS, Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
juillet 2013

Télécharger au format PDF

« Nul n’est blessé par un autre que lui-même »

Couverture2Cette phrase est écrite par le philosophe grec Epictète au 1er siècle. Bien sûr, je ne l’applique pas aux enfants abusés, ni aux femmes battues ou violées, ni à toute autre victime de comportements violents ou pervers !

Par contre, dans un certain nombre de tensions relationnelles ou de situations d’incompréhension, je crois que ce n’est pas d’abord l’autre qui nous blesse, mais nous qui ne savons pas nous protéger et qui nous laissons atteindre. Et nous nous sentons blessés !

Blessés par une parole dite par un proche, et pourtant celui-ci n’avait pas l’intention de faire mal. Mais ce qu’il dit réveille en nous une émotion ou une souffrance venue d’ailleurs et qui restait sensible. Ce n’est pas lui qui m’a blessé, c’est moi qui me suis senti blessé.

Blessés, nous devenons agressifs envers l’autre : l’agressivité vient quand nous-mêmes nous ne sommes pas bien ou que nous n’avons pas trouvé la manière de nous protéger devant une situation difficile.

A l’inverse, blessés lorsque quelqu’un nous agresse : nous pourrions nous dire que son agression ne parle que de lui et de son mal-être, car il aurait pu nous dire son désaccord ou son refus sans être agressif. Si nous sommes blessés, c’est que nous avons pris pour nous une accusation qui ne parle pourtant que du mal-être de l’agresseur.

Blessés dans des situations de conflits, quand nous nous épuisons à convaincre l’autre qu’il se trompe, et que l’autre en fait autant, quand nous nous acharnons à vouloir prouver que nous avons raison et qu’il a tort. Nous accusons l’autre de nous avoir fait du mal, alors que c’est d’abord notre acharnement qui nous a blessés.

Nous pouvons remplacer cet acharnement par l’acceptation de la différence de points de vue, choisir d’écouter le point de vue de l’autre, lui demander d’écouter le nôtre, proposer de chercher ensemble un compromis sans perdant. Même s’il n’accepte pas, nous serons moins blessés parce que nous aurons eu une attitude plus constructive.

Blessés par les jugements que nous portons sur l’autre, toutes les accusations qui fusent si vite en situation de tension. D’autres fois, c’est la peur du jugement de l’autre qui nous fait nous taire. Et nous ruminons en silence, nous installant dans le rôle de la victime blessée par l’incompréhension, le manque de reconnaissance, la soumission….

Nous pouvons décider une fois pour toutes de renoncer à tout jugement sur l’autre et sur nous-mêmes, de lâcher toutes les ruminations et ressentiments qui ne font qu’amplifier notre malaise comme une avalanche. Nous pouvons laisser à l’autre les jugements qu’il porte sur nous, et remplacer nos reproches et nos silences par des paroles en « je » : dire sans agressivité ce que nous pensons et ressentons, ce dont nous avons besoin, ce que nous demandons ou refusons…

Alors nous ne pourrons peut-être pas changer l’autre, car cela n’est pas en notre pouvoir. Mais nous changerons de place dans la relation : renonçant à prendre la place de la victime, nous choisirions de faire face, vrais avec nous-mêmes et devant l’autre… Nous ne nous blesserons plus nous-mêmes, nous déclencherons plus facilement le respect.

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
avril 2013

Télécharger au format PDF

Intelligence des sens

Dev-Hum-Couverture1Quand j’étais au collège et que j’avais du mal à m’exprimer, mes professeurs me rappelaient la phrase du poète Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire en viennent aisément. » Autrement dit, il faudrait d’abord clarifier ses idées dans sa tête avant de les exprimer.

Ceci peut se concevoir dans une démarche philosophique ou littéraire. Mais notre éducation nous a souvent faire croire qu’il fallait aussi appliquer cette maxime à nos questionnements personnels ou à l’expression de nos ressentis. Et beaucoup d’entre nous, dans le flou de leurs questions ou dans le débordement émotionnel, ont pensé qu’il valait mieux se taire tant que les choses n’étaient pas claires dans leur tête.

Pas étonnant alors que nous nous enfermions dans nos pensées quand le moral est en berne, et que nous nourrissions les rancœurs à l’intérieur plutôt que d’exprimer nos malaises. Ainsi le silence s’installe, les tensions intérieures nous rongent… et « les mots pour le dire », non seulement ne viennent pas aisément, mais ne viennent plus du tout.

Pour nos questionnements personnels et nos émotions, je préfère remplacer cette maxime de Boileau par une autre, écrite par le grand philosophe grec Aristote :

« Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par nos sens. » Le vieil Aristote avait déjà retourné les choses dans le bon sens : nous sommes des êtres de chair et de sang. Nous avons cinq sens qui sont autant d’antennes et de canaux de communication entre notre monde intérieur et notre environnement.

Ce qui passe d’abord par nos sens, nos sensations, nos ressentis… construit notre intelligence et notre réflexion. En premier vient l’attraction ou la répulsion, une sensation de bien-être ou de malaise, un sentiment de joie, de peine ou d’inquiétude… Poser des gestes d’amour, s’émerveiller… Tout cela passe d’abord par nos sens pour rejoindre notre intelligence. Celle-ci se nourrit de nos perceptions, de nos sensations et de nos sentiments pour les comprendre et nous faire réagir avec la bonne distance…

Il en est de même pour la parole : si tu t’interroges sur toi-même, si tu es traversé d’émotions, n’attends pas de comprendre ou d’être calmé pour parler : ça ne marchera pas ! Seuls tes balbutiements et les mots qui jaillissent de tes sensations peuvent te permettre de décoder ce qui t’arrive et de clarifier tes idées. A condition que ces mots parlent de toi, et non des rancœurs vis-à-vis des autres.

Notre intelligence commence dans notre plexus solaire, lieu de nos émotions, et va jusqu’au cerveau, lieu de la réflexion. Quand le plexus et le cerveau sont disjonctés, balbutie les mots qui te viennent, pour dire ce que tu ressens, sans reproches ni violence : ils rétabliront la communication entre tes sensations et ton intelligence.

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
janvier 2013

 Télécharger l’article en format PDF

Besoins vitaux

Dev-Hum-Couverture1Nous sommes en forme et plein d’énergie lorsque nos besoins vitaux sont suffisamment satisfaits ou lorsque nous nous avons la motivation d’aller en chercher la satisfaction. Je vous propose donc vous propose de partir à la recherche de vos besoins vitaux, et d’en prendre soin. Les besoins dont je parle ne sont pas des envies passagères, encore moins des caprices. Mais des besoins vitaux qui ont besoin d’être satisfaits, au moins partiellement, pour que nous tenions debout. Abraham MASLOW a défini 5 grands besoins :

  • besoins physiologiques (manger, boire, respirer, dormir, faire quelque chose de sa sexualité…) pour survivre ;
  • besoins de sécurité (physique, psychologique, économique…) pour apprivoiser mes peurs et me sentir protégé ;
  • besoins sociaux et relationnels (appartenir à son clan, à sa famille, aimer et être aimé, créer des amitiés, des solidarités…) à l’inverse de tous les rejets et des toutes les exclusions, pour être en lien ;
  • besoin d’être reconnu, valorisé (m’entendre dire que j’existe aux yeux de l’autre, que j’ai des capacités, que je ne suis jamais réduit à mes erreurs) et développer l’estime de soi et la confiance en soi ;
  • besoin d’épanouissement (vivre mes passions, me sentir à ma place, réussir à construire et à créer une vie qui me ressemble) pour devenir ce que je suis.

Ces besoins vitaux ne sont pas négociables :

  • trop insatisfaits, ils nous font souffrir, déprimer, nous renfermer… et nous nous déshumanisons ;
  • partiellement frustrés, ils peuvent déclencher de l’agressivité si nous en rendons les autres responsables, mais nous pouvons choisir de transformer cette agressivité en motivation pour aller chercher par nous-mêmes ce qui nous manque ;
  • suffisamment satisfaits (jamais totalement sinon nous serions « repus » !) ils font de nous des êtres debout, équilibrés, créatifs, heureux de vivre… et donc ouverts aux autres !

Pourtant, nous ne pouvons pas exiger de l’autre qu’il satisfasse toujours nos besoins : nous le transformerions alors en objet ou en esclave de ces besoins. Nous ne pouvons pas satisfaire nos besoins sans tenir compte des contraintes du quotidien… Si nos besoins ne sont pas négociables, la manière de les satisfaire est toujours le résultat d’une négociation avec le réel de notre quotidien et de nos relations.

Satisfaire nos besoins est de notre responsabilité. C’est pourquoi il est nécessaire de prendre soin de nous. Je disais cela récemment à une amie de 70 ans angoissée pour des personnes de son entourage, au point de ne plus en dormir. Elle m’a répondu : « Prendre soin de moi ? Je n’ai jamais pensé à cela pour moi ! » Elle gardait tout en elle, jusqu’à l’oppression, l’insomnie, et même jusqu’à ne plus supporter les autres. Ce soir-là, elle a commencé à prendre soin d’elle, en mettant des mots sur ses angoisses. Et le lendemain matin, elle m’a dit avoir dormi d’une seule traite…

Prenez soin de vous… et les autres en bénéficieront !

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
décembre 2012

Télécharger l’article en format PDF

Se protéger de l’agressivité

Comprendre pourquoi l’agressivité de l’autre me touche tant

 

Dev-Hum-Couverture1Pendant une formation professionnelle, Audrey (prénom modifié) nous racontait qu’elle a eu des relations très difficiles avec un responsable hiérarchique. Elle était consciente que celui-ci la manipulait, lui parlait de façon blessante. Cette attitude agressive lui faisait perdre tous ses moyens. Elle accusait son chef de la détruire.

Pour tenter de régler ce problème, Audrey a suivi une formation sur le stress. A la suite d’un jeu de rôle, le formateur lui dit en aparté : « Il me semble que vous n’allez pas bien. » Et Audrey de répondre : « Mais si je vais bien ! ». Pourtant cette parole du formateur l’a « travaillée » douloureusement, lui permettant de mettre le doigt sur ses blocages et sur son mal-être qu’elle essayait de se cacher à elle-même. Elle a donc entrepris un travail sur elle-même.

Et Audrey raconte aujourd’hui : « Ce travail m’a permis de me libérer de mes blocages. Par exemple, ce chef dont je pensais qu’il me détruisait, j’ai pris conscience un jour que la manière dont il s’adressait à moi me rappelait ma mère ! Et cela a réveillé une relation douloureuse avec ma mère, pas encore soignée 30 ans après ! J’ai été accompagnée pour faire émerger et pour traiter cette blessure ancienne qui était bien enfouie. »

Et Audrey continue : « Aujourd’hui, j’ai toujours le même chef, il s’adresse toujours à moi de la même manière, mais cela ne me touche plus. Son mode relationnel ne parle que de lui, et depuis que ma blessure enfouie est soignée, elle ne se réveille plus : je peux donc faire face sereinement à mon chef. Mes collègues me demandent même comment je fais pour rester calme devant lui. »

Pour se préserver de l’agressivité ou de la violence de l’autre, sans s’écraser et sans renvoyer notre propre violence, il faut d’abord commencer à comprendre pourquoi l’agressivité de cet autre nous touche tant et nous laisse sans protection : la plupart du temps, cela ne parle que de nous et de blessures enfouies qui se réveillent. C’est ce que j’appelle les « mines antipersonnel » qui sommeillent en nous. Au lieu de se faire encore plus de mal en ruminant et en dénonçant l’autre, il est plus efficace de faire émerger ce que cet évènement réveille de notre propre histoire et de traiter cette blessure enfouie. La plupart du temps, cela suffira à savoir ensuite se protéger de l’agressivité.

Il reste encore une deuxième étape : savoir comment dire non, fermement et sans violence, aux paroles agressives et aux attitudes manipulatrices. Comment faites-vous, Audrey ? Comment faites-vous, amis lecteurs ?

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
juin 2011


Réagir à l’agressivité

 

 Avez-vous dans votre entourage une personne que vous connaissez bien et avec qui les relations sont souvent tendues ou conflictuelles ? Imaginez qu’elle arrive vers vous et vous dise sur un ton agressif : « Tu es la personne la plus égoïste que j’ai jamais rencontrée ! » Qu’allez-vous lui répondre spontanément ?

« Tu ne t’es pas regardée ! Je suis moins égoïste que toi ! » Sur le même ton qu’elle, vous l’agressez vous aussi dans l’escalade des accusations, des jugements et de la violence.

« Ah non, ce n’est pas vrai… avec tout ce que j’ai fait pour toi ! » Vous vous justifiez, et vous prenez le risque qu’elle en rajoute ! Auriez-vous besoin de vous justifier et d’avoir raison ?

« Oh ! Qu’est-ce que j’ai fait ? » Vous culpabilisez parce qu’elle vous accuse… Et pourtant, elle ne vous a pas encore dit sur quoi repose son jugement. Ce sentiment de culpabilité parlerait-il de vous ?

« Si tu le dis… tu peux penser ce que tu veux ! » Vous ne voulez pas perdre d’énergie à vous défendre dans une ambiance d’agression. Son jugement lui appartient. Vous choisissez de ne pas mettre d’huile sur le feu. Peut-être accepterez-vous d’en reparler si l’agressivité tombe.

Aucune de ces réponses ne résout le problème, et la relation restera tendue ou blessée. Pour avoir des chances d’avancer, il reste la piste de la justice en pays démocratique : le jugement ne vient qu’à la fin, quand on a établi les faits et mesuré le degré de responsabilité de l’auteur. Celui qui commence par me juger met les choses à l’envers, de façon dictatoriale ou terroriste, sans avoir établi les faits.

Je peux donc lui demander de remettre les choses à l’endroit : « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? » Autrement dit : « Quels sont les faits sur lesquels tu t’appuies pour porter ce jugement ? »

Si cette personne savait parler le langage de la Communication Non Violente, elle pourrait vous répondre : « Quand tu es passé dans la rue, l’autre jour, tu ne m’as pas regardé (fait). J’ai pensé que tu ne voulais pas me voir (interprétation). Ca m’a fait mal (ressenti), car j’avais besoin d’être reconnu (besoin). » S’il parle ainsi de la manière dont il a vécu la situation, je peux l’entendre, puis lui dire comment j’ai vécu la situation : « Je regardais les magasins, je ne t’ai pas vu ! Pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? »

Quand l’agresseur vous traite d’égoïste, vous pensez qu’il parle de vous. En fait, il ne parle pas du tout de vous : son agression ne parle que de lui ! Elle signifie : « J’attendais quelque chose de toi, je ne l’ai pas reçu, j’ai eu mal, car j’ai besoin d’être valorisé. » Comme il ne sait pas dire cela, il projette sur vous sa douleur et la transforme en accusation et en jugement.

Si vous avez compris cela, vous allez vous sentir protégé des agressions… Vous contribuerez ainsi à éliminer les accusations et les jugements. Et vous apprendrez aussi que votre propre agressivité contre les autres… ne parle que de vous !

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
novembre 2012

Télécharger cet article en format PDF

Travaux en amont

Dev-Hum-Couverture1Invité à témoigner de « La pratique de la Communication Non Violente » devant un groupe, Chantal m’interroge : « Je rencontre souvent une personne qui me met dans tous mes états. Je me dis toujours avant qu’il faut que je me contienne, mais chaque fois c’est pareil, j’explose. Que faire quand je suis en sa présence pour garder mon calme ? »

D’abord, Chantal, vous voyez bien que vos bonnes résolutions de vous contenir ne marchent pas. Et si ça marchait, vous en sortiriez tellement stressée que vous exploseriez plus fort ailleurs !

C’est en amont qu’il faut faire des grands travaux ! Ici à la Réunion, quand viennent les grosses pluies ou les cyclones, les eaux ne peuvent s’évacuer des Hauts vers la mer que si les services de voirie ont anticipé les crues : c’est avant le cyclone qu’ils ont dégagé les ravines de tout ce qui les obstrue, qu’ils ont aménagé des caniveaux profonds et des canalisations pour guider l’eau vers le bas sans déborder sur les terres habitées ou cultivées. Personne ne peut dévier la trajectoire du cyclone, mais une bonne analyse du terrain et du cyclone permet de canaliser les trombes d’eau pour s’en protéger.

Dans une relation interpersonnelle cyclonique ou déstabilisante, c’est aussi en amont que des travaux sont à faire en vous. Ces travaux ne sont pas guerriers : il ne s’agit pas de fuir, ni de revêtir une armure, ni de vous armer pour écraser l’autre. Ces travaux ne sont pas à faire sur l’autre : il ne s’agit pas de l’accuser, de le juger, d’exiger qu’il change…

Chantal est visiblement intéressée, mais elle reste dubitative : « Oui, je comprends, mais comment faire ces travaux en moi ? Où sont les outils pour creuser les dérivations et dégager les bouchons ? »

Je vous propose deux outils : d’abord dites non au jugement sur l’autre et aussi sur vous («Je suis nulle… Je devrais pouvoir… Il m’agresse… Il n’a pas le droit de… »). Remplacez cette attitude qui juge par une attitude qui accepte, qui analyse pour chercher à comprendre : qu’est-ce que ça me fait ?  qu’’est-ce que je ne supporte pas ? Qu’est-ce qui me met dans des états pareils ?

Deuxième outil : laissez parler votre mémoire émotionnelle : en quelles autres circonstances je réagis comme ça ? Qu’est-ce que ça me rappelle ? Quelle blessure enfouie est ravivée dans cette rencontre ? Et là, par la parole qui nomme, faites ces travaux de déblaiement et de canalisation de ce qui a pu déborder et qui risque de déborder encore à la prochaine rencontre.

Car ce qui vous fait exploser, ce n’est pas l’attitude de l’autre… L’autre n’est qu’un déclencheur qui fait sauter les vannes de cet insupportable qui vous habite, depuis bien longtemps parfois…

Il vous reste à prendre la pelle et la pioche de la parole partagée pour travailler en vous, avec délicatesse, jusqu’à trouver la juste distance où vous serez moins submergée à la prochaine rencontre.

Marc THOMAS, Consultant – Formateur en « Compétences relationnelles »
septembre 2012

Télécharger l’article au format PDF

Confiance en soi

Dev-Hum-Couverture1Au cours d’une formation professionnelle de trois jours intitulée : « S’affirmer personnellement et professionnellement », les participants ont exprimé leurs difficultés concernant la confiance en soi. Ils ont évoqué des relents éducatifs qui risquent toujours de les positionner dans la soumission à toute autorité. Ils ont demandé comment on fait pour sortir de la culpabilité réveillée par les reproches entendus en famille ou au travail.

Je leur ai alors demandé : « En quoi êtes-vous « bons » ? Qu’est-ce qui vous rend fiers de vous ? » Pas de réponse. Des mimiques me faisant penser que ma question leur paraît incongrue. Il est plus facile de parler de nos manques et de nos erreurs que de nos capacités et de nos talents. Comme si c’était égoïste de penser et de dire que nous avons des atouts pour construire notre bonheur et le partager avec ceux qui nous entourent.

Et pourtant, si je passe environ 80 ans sur cette terre, ce n’est pas pour me soumettre, me taire et endurer, mais pour contribuer à la construction du monde par l’épanouissement de mes talents et de mes passions.

Si la question « en quoi suis-je bon ? » te choque, je t’en propose une autre : sur quelles valeurs construis-tu ta vie ? Cette question peut se traduire de trois manières différentes

  • Dans les trois ans qui viennent, qu’as-tu envie de voir changer en toi et autour de toi ? De quels projets es-tu porteur dans ta vie personnelle, sociale, professionnelle ?
  • Tu as un mois devant toi : tu peux en faire ce que tu veux, sans pénaliser personne :
    quelles seraient tes trois premières priorités ?
  • Peux-tu citer trois choses ou trois convictions
    qui te font « vibrer », qui te passionnent ou qui t’indignent ?

Pour devenir toi-même, il ne te reste plus qu’à te demander comment faire des réponses à ces trois questions le fil rouge de ta vie… Quels moyens peux-tu prendre pour les mettre en pratique dans ta vie personnelle, familiale, sociale, professionnelle… ? Sans t’attarder aux concerts de lamentation ou aux paroles désabusées qui voudraient te faire croire que tu es un utopiste… Car ces aspirations ne seraient pas en toi si tu n’avais pas les moyens de les vivre. Il te reste alors à décoder les situations quotidiennes et les imprévus à la lumière de tes aspirations, à oser dire non à ce qui t’en détourne, à construire les relations et les solidarités qui vont respecter et confirmer tes valeurs.

En choisissant d’entendre tes aspirations et de les traduire dans ta pratique quotidienne, tu seras tout surpris de voir grandir la confiance en toi… et le respect de ton entourage.

Marc THOMAS, Consultant-Formateur en « Compétences relationnelles »
juin 2012

Télécharger l’article en format PDF

Communication bienveillante

Couverture2Confrontés à une situation relationnelle difficile, chacun de nous à tendance à vouloir se justifier ou à chercher à convaincre l’autre : « tu as tort, j’ai raison » ou encore « il faut que je lui fasse comprendre… ». Nous nous acharnons parfois… même si nous avons déjà fait l’expérience que ces stratégies de passage en force ne marchent pas.

La « Communication Non Violente » inventée par Marshal Rosenberg est une méthode garantie sans violence pour permettre d’entendre l’autre et d’être entendu, même en situation difficile. Il s’agit d’un processus en 4 étapes que j’ai traduites de la manière suivante :

  1. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il s’agit des FAITS, ou plutôt d’exprimer et d’accepter les points de vue légitimement différents de chacun. Plutôt que de chercher qui a raison ou tort, il s’agit de rechercher la complémentarité de nos différents points de vue.
  2. Qu’est-ce que ça m’a fait ? Qu’est-ce que ça t’a fait ? Il s’agit des RESSENTIS, très importants à exprimer car ce sont eux qui motivent nos réactions et, souvent, nourrissent agressivité et rancœur… Ces ressentis parlent de l’objet actuel du désaccord, mais surtout ils réveillent des souvenirs douloureux d’autres situations vécues dans d’autres contextes, non traitées et réactivées aujourd’hui.
  3. De quoi j’aurais – tu aurais besoin pour être bien ? Il s’agit ici des BESOINS humains fondamentaux tels que A. Maslow les a décrits : survivre, être en sécurité, être relié à d’autres humains, être reconnu et valorisé, s’accomplir… Ces besoins déclenchent nos ressentis et émotions, selon qu’ils sont satisfaits ou insatisfaits. Ces besoins-là sont toujours légitimes et doivent être pris en compte. Les faire taire multiplierait stress et mal-être.
  4. Qu’est-ce qu’on fait ? Quelles demandes exprimer ? Quelles solutions envisager ? Si les besoins de chacun sont exprimés et reconnus, il n’y a plus de violence. Mais la violence reviendrait si je faisais pression sur l’autre pour l’obliger à me satisfaire. Mes besoins sont légitimes, mais leur satisfaction est de ma responsabilité. Je peux demander à l’autre, mais pas l’obliger, sinon il serait soumis à mon besoin. Ici peut s’ouvrir une négociation constructive dans une relation respectueuse : les besoins de chacun seront nommés et pris en compte, l’autonomie de chacun sera valorisée, et des solutions nouvelles seront élaborées.

 Ainsi, en 4 étapes à la portée de tous, on aura abandonné le rapport de force où chacun cherche à avoir raison et à prouver que l’autre a tort. Chacun avait au départ sa version des faits et campait sur ses positions. Les 4 étapes auront permis de construire ensemble une 3ème version des faits basée sur nos complémentarités : chacun aura lâché un peu de sa « position » figée pour gagner ensemble, avec respect, une stratégie commune prenant en compte les besoins de chacun. Cette relation-là a de l’avenir !

 Marc THOMAS, Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
mai 2012

Télécharger cet article au format PDF

2 interview sur la Communication non violente :

 

Distinguer

Couverture2Les relations difficiles et conflictuelles entraînent souvent la confusion : tout se mélange, les reproches et les responsabilités se renvoient de l’un à l’autre, les accusations s’enchaînent en avalanche, les sentiments ressassés s’entremêlent… Tout est confus, plus rien n’est maîtrisé. Pour faire face à cette confusion des sentiments qui pollue et détruit la relation, il est nécessaire de distinguer…

Distinguer l’acte et la personne : ce n’est pas l’autre qui est méchant, c’est son acte que je ne supporte pas ; ce n’est pas l’élève qui est nul, c’est son devoir qui vaut zéro ou son comportement qui est inacceptable. Des professeurs ayant perçu l’importance de cette distinction se sont mis à dire à leurs élèves : « Ton devoir vaut zéro car il y a 10 fautes (l’acte), mais toi je te sais capable d’autre chose (la personne)». Et grâce à cette distinction qui pointe les erreurs, mais valorise les capacités de la personne, ils ont été surpris des discussions devenues possibles avec leurs élèves et de leur progression scolaire.

Distinguer ce qui est de moi et ce qui est de l’autre : « C’est toujours pareil avec toi : tu ne m’écoutes jamais ! » Voila la confusion des sentiments (sous-entendu : « puisque tu m’aimes tu dois m’écouter ! » Distinguer et affirmer mon légitime besoin d’être écouté et sa disponibilité à lui pourrait conduire à lui demander : « J’ai besoin que tu m’écoutes ; quand seras-tu disponible ? » Autre exemple : lorsque quelqu’un m’agresse, je découvre que son agression ne parle que de lui : il aurait pu me dire : « J’attendais quelque chose de toi, je ne l’ai pas reçu, j’ai mal… » Comme il ne sait pas dire cela (sur lequel on aurait pu discuter), il me juge et m’agresse avant même de m’en avoir expliqué les raisons.

Distinguer l’intention et l’impact : parfois je dis une parole qui me paraît anodine, et celui qui m’écoute se sent blessé par cette parole. Je n’avais pas l’intention de le blesser. En effet ce que je dis depuis mon contexte et dans mon histoire peut réveiller une vieille blessure dans son contexte et dans son histoire. Dans des discussions en situation de désaccord, il est nécessaire de bien préciser mon intention surtout si je perçois un impact inattendu ou une réaction démesurée chez l’autre.

Distinguer, séparer… Dans les récits judéo-chrétiens de création du monde, il est écrit que Dieu sépare pour créer : il sépare le ciel, la mer et la terre, le jour et la nuit, les animaux qui volent et ceux qui rampent… puis finalement l’homme et la femme. Ceux qui ont écrit cela ne savaient pas comment s’est passée la création du monde. Ils avaient juste compris qu’il faut se séparer pour exister (quitter le ventre, « s’individuer »). Quitter le fusionnel et la confusion… Se distinguer, et toujours distinguer… pour vivre… et pour entrer en relation !

Marc THOMAS – Consultant Formateur en « Compétences relationnelles »
avril 2012

Télécharger au format PDF